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garnison la citadelle d’Anvers, qui restait armée et menaçante sur le point le plus important peut-être du territoire reconnu à la Belgique. Aussi, de leur côté, les Belges, se maintenant sur un pied d’hostilité, prenaient-ils leurs dispositions pour investir, au premier signal, la forteresse de Maestricht, hollandaise d’origine, reconnue telle dans le projet d’armistice, mais sur laquelle ils s’attribuaient des droits, assez mal définis, une partie du territoire annexé à la citadelle ayant fait partie de l’ancien évêché de Liège. En un mot, c’était une simple suspension d’armes, sans convention ni obligation réciproque, et qui pouvait être rompue à tout moment par un accès d’humeur de l’une des parties en présence.

Et ce n’était pourtant pas là encore le motif principal de l’irritation à peine déguisée, causée aux Belges, malgré les intentions bienveillantes de la Conférence, par son protocole du 20 décembre.

L’article 3 de cet instrument diplomatique déclarait expressément que les arrangemens stipulés, ou encore à conclure, pour la séparation des deux États, n’affectaient en rien les droits que le roi des Pays-Bas et la Confédération germanique exerçaient sur le grand-duché du Luxembourg. De plus, la Conférence avait évité de s’expliquer sur le sort réservé aux territoires qui, comme la plus grande partie du Luxembourg, l’ancien évêché de Liège, et le duché de Bouillon, n’avaient appartenu ni aux Provinces-Unies, ni au gouvernement des Pays-Bas, mais à des souverainetés disparues qu’on pouvait se proposer de ressusciter. On les gardait évidemment pour servir d’objet d’accommodement et d’échange dans une répartition définitive. Mais c’étaient là, précisément, les points sur lesquels les Belges n’entendaient se prêter à aucune concession.

Luxembourg, Limbourg et Liège, réunis, depuis longues années déjà, à la Belgique par une administration commune, l’avaient été aussi de cœur et d’action dans la revendication de l’indépendance. On ne pouvait donc leur en refuser le bienfait ; ce serait mutiler l’État naissant que de les en séparer. Enfin, d’une façon générale, le ton d’autorité assumé par la Conférence semblait blessant et inquiétant pour les résolutions qu’elle aurait à prendre à l’avenir. Dès le premier jour, les négociateurs belges avaient laissé entendre, je l’ai dit, par des réserves (peu accentuées à la vérité, mais assez significatives), qu’ils acceptaient bien la médiation, mais non l’arbitrage de la Conférence, et ne s’obligeaient