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ses avantages, ses dangers, ses séductions propres. Mais ce qui était impossible, c’était de les suivre toutes deux à la fois, et l’établissement d’une sorte de vice-royauté française en Belgique, ayant justement cette prétention, n’aurait abouti qu’à n’en servir aucune en les compromettant l’une et l’autre.

Au point de vue diplomatique, aux yeux des puissances, dont la chute du royaume des Pays-Bas dérangeait les combinaisons et troublait les intérêts, entre l’annexion pure et simple de la Belgique à la France et la royauté offerte au Duc de Nemours, il n’y avait en réalité aucune différence appréciable. C’était toujours la France étendant sa main sur la région dont, en 1814, on avait voulu lui fermer l’entrée ; et la conséquence dans les deux cas était pareille. Si une guerre, une guerre générale, une guerre de coalition dont l’Angleterre aurait formé une partie principale et passionnée, était à craindre par suite de l’incorporation de toutes les provinces flamandes dans l’unité française, il eût été trop naïf de se flatter que l’on pourrait conjurer cette menaçante éventualité par un détour qui manquait de franchise et auquel personne ne se serait laissé prendre.

Mais, pour faire face à ce redoutable lendemain, si réellement on voulait s’y préparer, il n’y avait entre les deux combinaisons aucune comparaison possible. Par l’annexion de la Belgique, la France acquérait d’un seul coup trente ou quarante mille hommes de très bonnes troupes qui se seraient fondues rapidement dans sa propre armée ; elle arborait le drapeau tricolore sur les forteresses élevées contre elle et qui, retournant leurs canons, formeraient au contraire une forte et presque imprenable ligne de défense ; les anciens départemens tracés par la République et l’Empire, reprenant les mêmes noms et les mêmes divisions territoriales, seraient rentrés sans trop de peine dans les cadres d’une administration centralisée, qui aurait eu ce jour-là tout son avantage. Car, dans le grand jeu qu’on aurait à jouer, l’unité, une forte unité de direction militaire et politique, était la seule chance de succès : c’est celle-là qui, achetée par la Convention, Dieu sait à quel prix, avait, dans une extrémité pareille, assuré son triomphe. Mais c’est justement aussi celle-là qui aurait manqué au système bâtard de deux royautés superposées, l’une protectrice, l’autre protégée, l’une chargée de plus de responsabilité qu’elle n’aurait disposé de pouvoir, l’autre plus dépendante en apparence qu’en réalité. On ne se figure pas bien quelle autorité aurait