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Si naturelle que fût cette impatience, il en triomphait pourtant (suivant l’expression qu’il employait lui-même), car il envoyait en même temps à M. de Talleyrand un de leurs amis communs, dont les relations familières avec le monde politique de Londres étaient connues, M. de Flahaut, et il le chargeait de chercher ce qu’il était possible de faire pour satisfaire l’Angleterre et se remettre avec elle dans des relations de cordiale intimité. Le choix de cet envoyé n’était pas sans importance.

Toute la haute société de cette époque a connu M. de Flahaut, et bien des gens doivent savoir à quel concours de chances heureuses il devait la place élevée qu’il y a tenue. C’était le type achevé du brillant officier du premier Empire. Bien qu’il eût rempli son devoir militaire avec honneur et même avec éclat c’était pourtant par d’autres succès que ceux du champ de bataille qu’il avait acquis la grande notoriété dont il jouissait. Le charme de son esprit et la noblesse élégante de toute sa personne avaient été remarqués de bonne heure dans la cour impériale, où le ton de la bonne compagnie était d’autant plus apprécié qu’il y fut longtemps assez rare, et c’est par-là qu’il avait trouvé le chemin du cœur de la seule des princesses qui se fût montrée digne du rang où Napoléon avait élevé toute sa famille, cette gracieuse reine Hortense dont le souvenir est resté populaire. Retiré à Londres après la chute de l’Empire, M. de Flahaut avait encore fait la conquête d’une très grande dame, héritière d’un titre de pairie qu’elle n’exerçait pas elle-même, mais dont elle pouvait transmettre les droits à l’aîné de ses enfans. Elle lui donna sa main et le suivit en France. Grâce à la brillante fortune qu’elle lui apportait, M. de Flahaut pouvait tenir à Paris un grand état de maison, et son salon devint un centre politique aussi bien qu’un rendez-vous social. Il y présidait avec cette confiance propre à ceux dont la jeunesse a été accueillie par d’aimables sourires de la fortune et qui se reconnaît même à leur apparence. Nous l’avons connu plus tard, remplissant avec moins d’éclat de hautes situations dues au crédit de l’homme certainement le plus distingué du second Empire, témoignage vivant de ses royales amours, auquel il ne se cachait pas de porter une affection paternelle.

Mais, en 1830, il était encore dans cette saison de la vie où on ne doute de rien, surtout pas de soi-même ; aussi, à peine la révolution de 1830 l’avait-elle rapproché des régions du pouvoir, il