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LA CHINE
ET
LE DROIT DES GENS

PREMIÈRE PARTIE

Le problème chinois est, pour les jurisconsultes comme pour les hommes politiques, des plus complexes.

Nous nous évertuons, en général, à proclamer l’indépendance, la souveraineté des États et l’unité, l’universalité du droit international. Or l’application de ces principes absolus se heurte sans cesse, quand il s’agit du Céleste-Empire, à des difficultés insurmontables.

Le jurisconsulte écossais Lorimer a proposé de diviser les États en trois classes : d’abord ceux qui ont la conscience commune des principes généraux sur lesquels est fondé le droit international accepté par les peuples européens et d’origine européenne ; ensuite les pays sauvages qui sont entièrement dépourvus de cette conscience juridique ; enfin, certains États « de civilisation asiatique, » c’est-à-dire à moitié barbares, qui, sans renoncer à se prévaloir du droit général communément accepté, ne l’acceptent souvent qu’à contre-cœur et s’en écartent incessamment sur des points essentiels.

Cette division des peuples est-elle conforme aux données de l’expérience et de la raison ? De quelles prémisses dérive-t-elle et quel en est le fondement logique ? L’Empire chinois doit-il être rangé parmi ces États à demi barbares, auxquels Lorimer assigne un rang particulier ? Enfin quelles peuvent être les conséquences pratiques de cette classification et quelle influence exercera-t-elle sur les rapports de la Chine avec le reste du monde ? C’est ce que je vais examiner.