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nouvelle lettre des plénipotentiaires anglais fut refusée par les magistrats de Ning-Po. En 1860, un an après que les ambassadeurs chargés d’échanger les ratifications du traité de Tien-tsin avaient été reçus à coups de canon, les principaux obstacles auxquels se heurtèrent les commissaires chargés de s’aboucher avec le prince Tsaï furent l’entrée des ambassadeurs à Pékin avec une escorte de 2 000 hommes, leur réception par l’empereur, l’installation d’un ministre anglais dans la capitale, mais par-dessus tout le projet de remettre au Fils du Ciel une lettre autographe de la reine Victoria. Ces prétentions qui paraissaient monstrueuses à la cour de Pékin, parce qu’elles impliquaient l’égalité des États européens et de l’Empire, déterminèrent le guet-apens de septembre, la reprise des hostilités, la bataille de Pa-li-kao, et le reste. Un peu plus tard, après que les troupes des alliés furent entrées dans la capitale, installant leurs canons sur les remparts, il plut au prince Kong de transformer ce corps de troupes victorieux en une simple garde d’honneur[1]. Le Fils du Ciel n’était pas vaincu parce qu’il ne pouvait pas l’être, et, s’il avait quitté momentanément sa capitale, c’est que, suivant un ancien usage, il s’était rendu, pour les chasses d’automne, à Jehol en Tartarie. Les ministres étrangers ne purent traiter qu’avec le prince Kong.

En 1867, le gouvernement chinois décida d’envoyer une ambassade en Amérique et en Europe. Son choix tomba sur M. Anson Burlingame qui avait représenté les Etats-Unis à Pékin pendant plusieurs années. Il évitait par-là même de compromettre un de ses hauts dignitaires et, comme il pourrait toujours reprocher à cet étranger d’avoir mal compris ses ordres, conservait toute sa liberté d’action[2]. D’ailleurs, pendant que M. Burlingame se rendait à New-York, la cour de Pékin accablait de ses dédains M. Ross Browne, le nouveau ministre des Etats-Unis. Peu de temps après, elle éconduisit impoliment le duc d’Edimbourg, fils de la reine Victoria, l’Empereur ne recevant pas les ministres européens « et ne pouvant pas faire d’exception pour les rejetons des familles régnantes. »

C’est le 29 juin 1873 que le Fils du Ciel reçut pour la première fois les ministres étrangers. Il les avait fait attendre quatre mois. Mais, si l’on n’avait obtenu que très difficilement la promesse d’une audience, il fut encore moins aisé d’en régler le

  1. Voyez la Revue du 1er août 1865, article de M. Ch. Lavollée.
  2. Voyez la Revue du 1er juillet 1871, article de M. H. Blerzy.