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cérémonial. Le Ko-Teou, selon lequel tout visiteur amené devant le souverain devait se mettre à genoux trois fois et frapper neuf fois la terre du front, devint une pomme de discorde.

Les ministres étrangers refusèrent obstinément de se soumettre à cette formalité. On voulut bien condescendre à leur proposer une transaction ; ils s’accroupiraient sur leurs talons sans poser leur front sur le sol. Cette seconde proposition ne fut pas mieux accueillie. Bref, la cour gémit et céda. À six heures du matin, les représentons des puissances se réunirent au Peï-lang établissement catholique situé dans la cité impériale : de là, ils furent conduits par un ministre du Yamen à la porte septentrionale de l’enceinte prohibée du Palais, où ils durent laisser leur suite et leurs palanquins. Après deux nouvelles haltes, fort longues, ils furent enfin reçus. L’Empereur aurait daigné leur dire : « Sa Majesté reconnaît la réception des lettres présentées par les ministres étrangers » et, quelques minutes après : « Sa Majesté espère que les empereurs, rois et présidons d’État représentés par Vos Excellences sont tous en bonne santé, et elle compte que toutes les affaires entre les ministres étrangers et ceux du Tsong-li-Yamen s’arrangeront d’une manière amicale et satisfaisante[1]. »

Aujourd’hui, l’Empereur reçoit les membres du corps diplomatique le premier jour de l’année ; en outre, depuis fort peu de temps, à leur arrivée et à leur départ.

Mais ces diverses concessions sont regardées par le « vieux parti chinois » comme des fautes impardonnables. Quand l’impératrice douairière pénétra, pendant la nuit du 21 au 22 septembre 1898, dans la chambre du jeune empereur, Kouang-sou, l’accusa de complots avec l’étranger, le souffleta devant témoins et le contraignit à lui remettre les sceaux de l’État, elle devint lame de la protestation contre l’ordre de choses établi depuis 1860. Elle s’entoura des Mandchous les plus hostiles aux c« innovations européennes » : Yung-lu, Kang-Yi, Hsu-Ting ; et revêtit des plus hautes dignités le prince Touan, jadis écarté du trône, retiré depuis longtemps à Moukden, affectant d’ignorer les coutumes de l’Europe, affichant un profond mépris pour le droit issu des traités conclus avec les races inférieures[2].

  1. Voyez la Revue de droit international et de législation comparée, t. IX article de M. Rolin-Jacquemyns).
  2. V. les lettres de Mgr Favier, du 18 et du 28 mai 1900, publiées par les Annales de la propagation de la foi (septembre 1900).