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semblait devoir en tirer, méritait mieux que des attaques décousues contre les alliances protestantes.

Egalement dépourvu, pour traiter une si grande question, de convictions et de génie, il ne restera à Mathieu de Morgues qu’à se rabattre sur le prix qu’une politique, dont il ne sait ni comprendre ni critiquer de haut l’inspiration, coûte à l’humanité, qu’à déplorer et à dénoncer les maux de la guerre, les excès de la soldatesque, les profanations que le fanatisme protestant inflige à la religion. C’est ce dernier intérêt, à vrai dire, qu’il a le plus à cœur et, en l’invoquant contre le cardinal, il vient grossir le concert d’indignation, sincère ou feinte, formé par tous les adversaires de notre pays.

Il y a un thème qu’il exploite encore plus volontiers aux dépens de son ancien patron : c’est la façon dont la mère et le frère du roi sont traités par celui-ci. Si peu sympathiques, si peu populaires que fussent l’un et l’autre, il y avait, dans le contraste d’un ministre tout-puissant avec l’héritier du trône fugitif et une reine mère vivant de la générosité de l’étranger, — alors surtout que cette reine avait fait la fortune du ministre, — de quoi toucher et indigner cette masse moyenne d’esprits qui ramènent les devoirs du gouvernement aux devoirs de la vie privée et ne comprennent pas que ceux qui sont comptables des intérêts publics doivent subordonner les seconds aux premiers. Nul doute que le défenseur de la reine mère n’ait spéculé avec fruit sur une conception aussi répandue.

Ce que la tiédeur des sympathies publiques pour la mère et le frère du roi ôtent de force à la cause qu’il a prise en main, Mathieu de Morgues pourra le retrouver peut-être dans les sentimens hostiles qui existent déjà dans le pays et qu’il est possible d’y fomenter encore contre Richelieu. De toutes les armes dont on peut se servir pour cela, aucune ne paraît devoir être plus meurtrière que le procédé qui consiste à le représenter comme un favori s’appropriant exclusivement la gloire des grandes actions de son maître, l’aveuglant et l’égarant pour l’asservir, le dépouiller de son autorité et le perdre, accumulant dans ses mains, en vue de cette usurpation, bénéfices ecclésiastiques, grandes charges, gouvernemens, places fortes, rêvant de mêler son sang au sang royal en faisant monter sa nièce, la marquise de Combalet, sur les degrés du trône ou sur le trône lui-même, faisant disparaître par le crime tous ceux qui font obstacle à son ambition. L’image de ce Séjan