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façon plus avantageuse que dans la Lettre d’un vieux conseiller d’État à la reine mère. C’est Chanteloube, en effet, que nous croyons reconnaître dans ce vieux conseiller d’État, qui se donne comme éloigné de Marie de Médicis, et qui, en réalité, écrit auprès d’elle. Depuis le jour où il protestait contre le caractère exceptionnel de la juridiction qui l’avait frappé, deux années se sont écoulées, et ces deux années ont vu tomber les illusions des réfugiés de Bruxelles, s’aigrir leurs rapports, s’amollir l’intransigeance que l’on décorait du nom de dignité, naître l’idée de capitulations peu honorables, parce qu’elles ne sont pas sincères, et qui resteront inutiles, parce qu’elles ne trompent pas l’adversaire. Le péril qui résultait pour la France et pour Richelieu de la coïncidence du séjour du frère et de la mère du roi au milieu de nos ennemis et du concert qui aurait pu s’établir entre eux pour autoriser et diriger une invasion, ce péril s’est dissipé par la soumission et le retour du premier, non sans que les démêlés de ses partisans avec ceux de Marie de Médicis aient scandalisé Bruxelles. La mort de l’infante Isabelle a privé la royale fugitive des égards et d’une affection qui étaient pour elle une source de consolations. L’union, on le devine plus encore qu’on ne le voit, ne règne pas entre ses compagnons d’exil, et il en est peu dont la fidélité ait su résister aux tentations du cardinal. C’est l’histoire attristante de ses avances et des exigences croissantes de Richelieu que Chanteloube nous a racontée. Sa lettre est un mémoire justificatif de la conduite de sa maîtresse dans cette longue négociation, mémoire très habilement fait et qui se termine par l’apologie des trois serviteurs dont le cardinal exige, comme conditions du retour de la reine mère, l’extradition et la comparution devant ses cours de justice : Fabroni, Mathieu de Morgues et Chanteloube lui-même. La pitié que celui-ci a réussi à obtenir pour l’exilée ne doit pas nous faire oublier d’ailleurs qu’au moment même où son ennemie semblait dépouiller son animosité, le cardinal avait les preuves que cette animosité restait toujours active.


Gaston d’Orléans fut pour le ministre, en sa qualité d’héritier présomptif, un adversaire beaucoup plus redoutable que Marie de Médicis. Il groupait autour de lui un état-major où l’on comptait des personnages dont le rang et l’influence sociale semblaient devoir lui donner une armée, et, s’il ne réussit pas à la recruter,