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les rapporte Goulas[1], le sous-secrétaire des commandemens de Gaston d’Orléans. L’impression qu’elles produisaient était balancée dans l’esprit public par celle des succès d’une politique qui unissait souvent l’éclata l’importance des résultats. En regard des appréciations malveillantes auxquelles cette mort donna cours, Goulas a mis les témoignages d’admiration qu’il avait recueillis dans le même milieu sur les fruits glorieux du génie et de l’administration du défunt. C’est que le public n’était pas moins patriote que crédule et frondeur ; c’est qu’en écoutant et en répétant avec complaisance les diffamations, les inventions de la malignité et de la haine, il jouissait de la gloire du pays et s’inclinait devant celui à qui elle était due. Il est donc vrai de dire que l’impopularité de Richelieu ne fut pas plus grande que celle de tout autre gouvernement et qu’elle le fut beaucoup moins que celle de Concini, de Luynes et de Mazarin. Cette impopularité n’a été que la revanche de l’esprit de dénigrement et du libertinage des peuples, comme dit Retz, contre tous les pouvoirs forts. Les factions qui ont conspiré sans cesse contre la fortune et la vie du cardinal n’ont jamais rallié le peuple à leurs desseins, jamais intéressé le pays à leur succès. Les séditions populaires, où le cri public exhale si sincèrement les passions profondes de la foule et où la haine du favori s’oppose si habituellement à la fidélité au roi, ne l’ont jamais désigné comme personnellement responsable des souffrances qui les ont presque toujours provoquées. L’accueil fait par les villes à la prise d’armes de Gaston en 1632 est un symptôme significatif des sentimens de la bourgeoisie provinciale, c’est-à-dire, en somme, de l’élément le plus important du pays par le sang-froid, la possession de soi-même. Le Duc d’Orléans avait pris le titre de lieutenant du roi pour la réformation des abus et des désordres introduits dans le gouvernement de l’État par le cardinal de Richelieu, conviant clairement par-là tous les ennemis de l’arbitraire ministériel à se réunir sous son drapeau ; il marchait pour opérer sa jonction avec Montmorency, si aimé dans son gouvernement de Languedoc ; les États de cette province défendaient contre le cardinal, qui voulait y introduire les élus, leur privilège traditionnel de faire répartir et lever par leurs agens le don gratuit et rien ne pouvait davantage les jeter dans la rébellion que leurs alarmes pour un si cher intérêt. Et

  1. Mémoires, t. Ier, p. 414, 416.