Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 162.djvu/608

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Hors de là, il nous apportait, il est vrai, un travail assez lourd, puisque tout aboutissait à la signature du général. Le service de la presse et celui des théâtres constituaient à eux seuls, une charge sérieuse que le général m’avait confiée. Un fonctionnaire de la préfecture de police, M. Marseille, contrôleur des services extérieurs, venait chaque jour au Louvre : c’était un homme aimable, plein de sagesse et d’expérience, dont les jugemens s’inspiraient des sentimens les plus élevés ; il avait beaucoup vu, il connaissait à fond le journalisme parisien et ceux qui, alors, dans tous les partis, en étaient les représentans ; il parlait d’eux avec une philosophie toujours douce et courtoise. Tous les matins, il apportait le compte rendu de la presse, que j’analysais pour le général. Je ne sais si l’usage subsiste encore, chez les ministres, de ces comptes rendus quotidiens : je le souhaite pour eux, surtout si on a gardé la tradition des rédacteurs d’alors : rien n’était plus clair et plus complet à la fois.

Puis, c’étaient les autorisations pour la publication des journaux. Aussitôt après la Commune, tous ceux qu’elle avait supprimés, ou qui avaient suspendu leur publication, reparurent en foule ; il fallut, pour chacun d’eux, une autorisation spéciale ; je ne me souviens pas qu’on en ait refusé, et il y en avait de toutes les couleurs. Mais c’était un gros travail. Plus tard, ce furent les feuilles nouvelles ; on les laissait s’épanouir en foule. S’il y eut quelques interdictions, elles furent résolues par les ministres et seulement prononcées, sur leur ordre, par le général ; car, fidèle à ses habitudes de discipline, il en référait toujours au gouvernement, dans les cas difficiles : « C’est de la politique, disait-il, et, nous autres militaires, nous n’y entendons rien. »

Une fois, cependant, il prit sur lui de trancher directement une question qui touchait bien quelque peu à la politique. Le gouvernement du Quatre-Septembre avait, en principe, supprimé la censure des théâtres ; mais, en fait, les fonctionnaires de l’ancien régime avaient provisoirement conservé leurs fonctions. C’étaient, si je me souviens bien, MM. Hallays et de Forges. On fut bien heureux de les trouver, après la Commune, quand l’état de siège mit aux mains du gouverneur cette attribution nouvelle. Chaque jour, ils venaient au Louvre, avec la moisson quotidienne de pièces et de chansons, de chansons surtout, car tout, en France, finit, dit-on, par là, et, de fait, en cet été de 1871, où débordaient le besoin, peut-être aussi la joie de vivre, les cafés-concerts se