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Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 162.djvu/664

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chefs de bureau, préfets, sous-préfets de la concentration républicaine socialiste. Ils jouent, vis-à-vis des anciens adeptes de la Commune[1] représentés par le clan de M. Vaillant dont ils parlent entre eux avec tant d’irrévérence, et des prétendus doctrinaires marxistes de l’école de M. Guesde et de M. Lafargue, le même rôle que les jeunes opportunistes conquérans de l’entourage de M. Gambetta, à l’égard des vieilles barbes à principes et à phrases de 1848, vrais fossiles de la Révolution.

Toute la politique de M. Jaurès, de M. Viviani tend à ce résultat : couvrir la France de comités électoraux socialistes, sous le titre de fédérations autonomes, en vue des élections de 1902, afin d’entrer à la nouvelle Chambre en triomphateurs suivis d’un parti assez fort pour leur assurer une part de pouvoir de plus en plus grande. Et c’est pour cela qu’ils veulent secouer une fois pour toutes le joug des sectes surannées.

Il s’agit donc de reconstituer le parti, de l’unir et de l’unifier, en dépit des doctrinaires guesdistes qui se sont exclus provisoirement eux-mêmes, en quittant le Congrès, sous le prétexte qu’un des leurs avait été frappé. Les groupes socialistes vont être consultés par voie de referendum sur le projet de M. Jaurès, et un nouveau congrès se réunira dans six mois, pour refaire cette unité, déjà défaite au bout d’un an. M. Jaurès et M. Viviani n’ont plus en face d’eux, dans le parti même, qu’une opposition réduite. Leurs partisans dominent au Palais-Bourbon : sur 36 députés socialistes il n’y a plus que 5 guesdistes et 8 blanquistes. Toutefois l’action d’une minorité n’a pas pour mesure sa faiblesse numérique. L’union vient de se former de nouveau à la Chambre entre les députés socialistes, mais ce sont les ministériels qui ont suivi les intransigeans, dans Un vote récent destiné à empêcher la répudiation des doctrines collectivistes, cause d’un si grand scandale, le 15 juin dernier.


VI. — LES SOCIALISTES BOURGEOIS ET LES OUVRIERS

Mais quels sont les sentimens des classes ouvrières organisées devant cette irruption de socialistes bourgeois ?

A leurs débuts dans le parti socialiste, M. Jaurès, M.

  1. Un ancien membre de la Commune, des plus obscurs il est vrai, durement traité par un président étranger à une séance du Congrès international, disait mélancoliquement : « Avoir fait partie de la Commune, cela ne compte plus ! »