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L’ÂME AMÉRICAINE


L’Âme américaine, par M. Edmond de Nevers, 2 vol. in-18, Paris, 1900 ; Jouve et Boyer.


I

Ce n’est assurément pas une entreprise banale, ni même peut-être modeste, que de s’être proposé de définir « l’âme américaine ; » et ainsi d’emprisonner dans une formule rigide l’une des combinaisons psychologiques ou sociologiques les plus complexes, et les plus instables, qu’il y ait dans notre monde contemporain. Qu’est-ce, en effet, qu’un Américain, ou, à vrai dire l’Amérique elle-même ? et, tout d’abord, pourquoi, dans le livre classique d’Alexis de Tocqueville : la Démocratie en Amérique, ou dans celui de M. James Bryce : American Commonwealth, n’est-il question ni du Pérou, par exemple, ni du Chili, ni du Mexique ? Il n’y est point parlé, non plus, du Canada. Le Canada, le Mexique, le Chili ne sont cependant pas en Afrique. Autre question : les États-Unis ne doivent pas compter aujourd’hui beaucoup moins de quatre-vingts millions d’habitans : ceux de ces habitans qui ne sont pas nés sur le sol de l’Union, — et le chiffre en est au bas mot d’une quarantaine de millions, — sont-ils ou non des Américains ? Un Italien, un Allemand établis à Marseille ou à Lyon ne sont pas des Français. Mais, inversement, de dix ou douze millions de nègres, qui sont tous nés sur le sol de l’Union, et qui, de quarante-cinq États, en remplissent aujourd’hui quatre ou cinq à eux seuls, dira-t-on qu’ils soient des Américains ? On ne nous le permettrait sans doute ni en Géorgie, ni en Floride. Je ne parle pas des Indiens : les plus récentes