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peu banal, et la division qu’il a cru devoir suivre n’en donne même pas une idée très juste. Il a traité d’abord des Origines, puis de la Formation historique de l’Union. Dans une troisième partie, sous un titre un peu vague ou trop général : l’Evolution, on ne discerne pas bien ce qu’il a pu vouloir mettre qui n’eût déjà trouvé sa place dans la seconde. Sa quatrième partie : A travers la Vie américaine, ne semble rien avoir qui la distingue essentiellement de tant d’écrits où tant d’observateurs ont consigné leurs impressions d’outre-mer. Et quant à la cinquième : Vers l’Avenir, je ne sais si peut-être je l’ai lue trop vite, mais je ne l’ai point trouvée du tout comparable aux quatre autres. Ce qui est plus fâcheux, c’est qu’aucune de ces cinq parties, dans l’énoncé de son titre ou dans la suite de leur enchaînement, ne laisse apparaître l’idée maîtresse du livre, celle qui en fait l’unité profonde et la portée, pour ne pas dire la valeur scientifique, et grâce à laquelle il déborde, en quelque manière, les limites elles-mêmes de la question américaine. Expliquons-nous brièvement sur ce point.

Le phénomène américain, — je prends ici, comme plus haut, ce mot de phénomène dans son sens étymologique, — se ramène donc pour M. Edmond de Nevers à un problème d’ethnographie et de psychologie comparées. Supposé qu’il existe une « âme américaine, » quelle est, dans sa lente formation, la part des circonstances, mais surtout quelle est la part, ou, pour mieux dire, quel est l’apport de chacun des élémens ethniques qui sont entrés dans sa composition ? Les Américains se considèrent volontiers eux-mêmes comme des Anglo-Saxons, et, naturellement, ce ne sont pas les Anglais d’aujourd’hui qui les détourneront de cette croyance : ils y ont trop d’intérêt ! Mais les uns et les autres ne se tromperaient-ils pas ? En réalité, la population de l’Union s’élevant à 73 ou 80 millions d’habitans, les statistiques les plus dignes de foi n’évaluent pas à moins de 20 ou 25 millions les Américains d’origine irlandaise et à moins de 20 ou 20 millions les Américains d’origine allemande. Si l’on ajoute à ces deux chiffres un chiffre de 10 ou 12 millions d’âmes, qui est, comme nous l’avons dit, celui de la population nègre, la soustraction ne nous laisse plus qu’environ 25 ou 30 millions d’Anglo-Saxons. Encore ce chiffre est-il trop fort ; et, par exemple, dans tel État du Nord, — le Massachusetts, avec Boston pour capitale, — si le nombre des protestans est déjà presque balancé par celui des catholiques, la cause en est due à un autre courant d’émigration, d’origine