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Saura que je fus femme, et femme tendrement,
Amoureuse et malicieuse par moment ;
Et se demandera devant la terre sombre
Pourquoi tant de clarté dut naître pour tant d’ombre.


V


Ce n’est pas pour la gloire et l’éclatant renom,
Chantant les jours pareils ou la diverse vie,
Que j’écrivis des vers tendres ou tristes : non.

J’ai vécu sans désirs, et surtout, sans envie,
Et ne demande pas que l’on sache mon nom ;
J’ai voulu qu’on m’ignore, au lieu que l’on m’oublie.

L’amour mélancolique et quelquefois divin
A replié sur moi ses ailes familières ;
J’ai rêvé tout mon rêve, et le reste m’est vain.

J’ai chéri la douceur des choses passagères,
La pourpre d’une rose ou l’arôme d’un vin,
L’ombre voluptueuse et ses calmes mystères.

Mon cœur n’a pas cherché le ciel indifférent,
Ni désiré l’espoir d’un inutile leurre.
J’ai supporté sans lui ma joie ou mon tourment.

La vie est brève, ami ! Vis ! Que rien ne me pleure ;
Mais que ta main suspende à mon blanc monument
Le miroir de l’Amour et le masque de l’Heure.


VI


Un souvenir jaloux a gardé les sandales
Qui, de cuir rebrodé, petitement égales,
Enfermaient la blancheur de mes pieds enfantins
Dont les ongles ont lui sous des rayons lointains ;
Et celui, triste de ne plus jamais entendre
Mes pas dansans, ô Songe, empreints seuls dans ta cendre,