Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 162.djvu/829

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

déclaration de guerre ou même un commencement d’hostilités, tant qu’il n’a pas quitté le territoire. Ainsi l’exigent impérieusement l’indépendance, la souveraineté, le respect mutuel des États ; ce n’est pas une simple convenance, comme l’a très bien dit M. Calvo, c’est « une nécessité. » La Chine s’est ouvertement révoltée contre cette loi fondamentale, quoiqu’elle se la fût appropriée dans les termes les plus formels par les traités du 27 juin 1858. Elle a voulu rompre avec la pratique de toutes les nations, en même temps qu’elle déniait sa propre signature. Je ne crois pas qu’on puisse découvrir une semblable page dans l’histoire diplomatique du monde civilisé.

Les légations de Pékin furent attaquées avec de l’artillerie, à partir du 20 juin 1900, par les troupes qui recevaient les ordres du prince Tuan, et furent assiégées sans interruption jusqu’au 16 juillet. L’anxiété fut poignante, soit en Europe, soit au Japon, soit aux États-Unis. On apprit très vite que M. de Ketteler, ministre d’Allemagne, et le chancelier de la légation japonaise avaient été lâchement assassinés. Une dépêche du 8 juillet, reçue par le ministre de Chine à Washington, laissait encore espérer que les autres agens diplomatiques étaient saufs et que deux légations n’avaient pas épuisé leurs moyens de défense. Mais on remarqua bientôt que la cour de Pékin, tout en communiquant elle-même avec ses légations, ne laissait pas les ministres étrangers communiquer avec leurs gouvernemens : on en conclut que les communications n’étaient plus possibles. On fixait même au 30 juin la date des massacres, et les correspondans de deux journaux anglais allaient jusqu’à décrire avec une grande précision les scènes du dernier carnage. Une dépêche adressée le 18 juillet à M. Delcassé par le consul de France à Changhaï démentit ces informations : « les ministres et leurs familles étaient encore saufs, mais le danger était toujours très grand. » Une lettre écrite le 21 juillet au commandant des forces anglaises devant Takoupar sir Claude Macdonald rétablit les faits : les ministres et les Européens réfugiés autour d’eux occupaient les lignes suivantes : légations française et allemande, légations russe et anglaise, moitié du parc de la légation anglaise et le centre de la légation américaine. Tout le reste était en ruines. Les réserves de nourriture pouvaient suffire pendant quinze jours, mais les munitions s’épuisaient. Actuellement, ajoutait le ministre d’Angleterre, nos pertes sont de 62 tués et 28 blessés.