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la plénitude de son indépendance, une branche de son propre trafic et personne ne peut le contraindre à vendre ce qu’il ne veut pas vendre. Il intervient, au contraire, si, non content de surveiller, pour empêcher ce trafic, les ports d’exportation, il étend sa surveillance aux ports d’importation. Il substitue en effet, hors de son territoire, sa volonté propre à la juridiction du peuple importateur ou de ses ressortissans. A mon avis, les circonstances justifient cette dérogation nouvelle au principe de non-intervention. Le futur traité devra contenir un engagement de la Chine et, si la Chine devait être impuissante à tenir sa parole, on peut lui procurer légitimement les moyens de la tenir.

On ferait un nouveau pas sur la même route en limitant, comme le proposent le Journal des Débats[1] et les Novosti, les armemens du Céleste-Empire et les effectifs militaires. C’est ainsi que Napoléon traita la Prusse après Iéna. Mais ce précédent n’est pas unique. Les puissances européennes apportèrent des restrictions analogues au droit de défense, apanage ordinaire de la souveraineté, quand elles défendirent, en 1814, de transformer Anvers en un port militaire, quand elles contraignirent la Russie, par les traités du 30 mars 1856, à raser ses forteresses établies sur la Mer-Noire, à n’en pas construire de nouvelles, à ne pas fortifier les îles d’Aland (Baltique), à n’y maintenir aucun établissement naval. La convention de Londres, du 11 mai 1867, décida de même que la ville de Luxembourg ne serait plus forteresse fédérale, que ses fortifications seraient démolies et qu’aucun établissement militaire n’y pourrait être installé. Le traité de Berlin, du 13 juillet 1878, multiplia ces clauses prohibitives (art. 2, 11, 29 et 52). La note française du commencement d’octobre entre dans cet ordre d’idées en proposant le démantèlement des forts de Takou. On pourrait très légitimement aller plus loin après tant de parjures, d’outrages et d’attentats au droit des gens. Mais, cette fois encore, il n’est pas sûr que la politique commande d’aller plus loin.

En admettant avec la plupart des jurisconsultes contemporains qu’un État fasse encore fléchir les principes rigoureux du droit, quand il secourt un gouvernement établi contre un mouvement insurrectionnel, il faut avouer que cette « intervention » est d’une nature toute particulière, puisque l’intervenant n’impose

  1. Article du 22 juillet 1900.