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l’exécution de quelques-uns des personnages que nous avons cités, ne fussent-ils pas les plus considérables, peut-être serait-il sage de ne pas insister. On aura frappé encore assez haut pour que le coup porte. Quant à la destitution, à la dégradation, à l’exil, de tous, ceci s’impose absolument ; les mesures de ce genre, nous le savons, n’ont que trop souvent été illusoires, mais, si l’Europe déploie quelque énergie, elles ne le seront pas cette fois.

La punition des coupables n’est pas le seul moyen d’impressionner le gouvernement chinois : l’Europe en possède d’autres, qui sont dès aujourd’hui à sa portée, et dont elle hésite trop à se servir. Les troupes internationales étaient d’abord à peine entrées dans le palais impérial et ses vastes dépendances, dans ce qui s’appelle la Ville interdite. Elles n’avaient l’ait qu’y défiler, une quinzaine de jours après leur entrée ; certaines dépêches disent qu’elles avaient été reçues aux portes par les fonctionnaires du palais qui ont conservé leurs charges ; après cette courte parade, les portes furent refermées, et gardées seulement par des postes. Un respect aussi grand pour la résidence impériale pouvait avoir les plus fâcheuses conséquences, étant donnée la disposition d’esprit des Chinois. Les chambellans, les majordomes, les eunuques qui y sont restés n’allaient-ils pas raconter à leur gracieuse souveraine que les Barbares furent frappés de terreur à la vue des murailles de la Cité interdite, qu’au bout de quelques jours, ils demandèrent cependant à la visiter, et qu’on voulut bien la leur faire voir ? Si l’on avait fait un tel récit à l’impératrice, on peut être assuré qu’elle y eût ajouté foi, surtout après avoir déjà réussi à éviter aux principaux coupables le châtiment qu’ils mériteraient. Sur la populace de Pékin, qui aurait, elle aussi, grand besoin d’une leçon, la réserve gardée par les étrangers apparaîtrait comme l’effet d’une crainte respectueuse. On a enfin renoncé à des ménagemens impolitiques et installé le quartier général dans le palais. Il semble qu’il serait bon de l’occuper sérieusement et d’une manière permanente jusqu’à ce que le retour de la Cour soit annoncé et ait reçu un commencement d’exécution ; puis, afin de laisser une trace durable de leur passage, les étrangers devraient raser les murs de Pékin, en interdisant de les reconstruire, et détruire également les palais des environs, le palais d’été de l’Impératrice notamment. La disparition de ces édifices frapperait les Chinois sans avoir les mêmes inconvéniens