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loin, il ne serait pas impossible de la contraindre à se soumettre et à revenir vers la côte.

Si ce serait folie de se lancer dans une expédition au cœur de cette immense Chine, dépourvue de bonnes routes et ne fournissant pas les articles indispensables à la vie de troupes européennes, il serait fort exagéré de dire qu’il n’existe aucun moyen de coercition à l’endroit du gouvernement chinois. Il en est d’indirects : l’interdiction du commerce maritime du riz d’où résulterait la famine dans les régions septentrionales, la mainmise sur tous les revenus des douanes auxquels on pourrait joindre le produit des impôts de toute sorte perçus à Pékin, à Tien-tsin et aux environs, de même que dans les grandes villes indigènes situées à proximité des concessions étrangères, Shanghaï, Canton et autres. Les alliés peuvent aisément occuper, sans trop s’écarter du leur base, l’extrémité de l’unique ligne télégraphique qui se dirige vers l’ouest ; et l’excellente navigabilité du Yang-tse, même de plusieurs de ses affluens pour les grands navires, leur permet d’isoler la Cour réfugiée à Si-Ngan, ville d’un million d’habitans, il est vrai, mais qui est bâtie au milieu d’un pays sans grandes ressources. Sans doute cette sorte de blocus entraînerait une dépense, dont on pourrait, il est vrai, se couvrir en partie, et surtout un manque à gagner par les entraves mises au commerce de la Chine tant que la paix ne serait pas conclue. Mais combien peu pèseraient ces inconvéniens si l’on parvenait à assurer un calme approximatif pour une période de quelque durée ! Or, on y arriverait très probablement, en se montrant énergique, mais en même temps aussi persévérant, aussi patient que les Chinois. Ceux-ci ne sont-ils pas déjà plus traitables qu’on ne paraissait le craindre au début ? N’ont-ils pas, assez rapidement après tout, ouvert des négociations sans que Pékin fût évacué ?


III

Si les divers pays qui constituent le monde civilisé parvenaient à mettre un peu d’union dans leurs conseils, non pas seulement pour quelques semaines, afin de conjurer momentanément les effets immédiats d’une crise violente de l’Homme malade de Pékin, mais pour une période plus prolongée, qui permît de traiter, non les manifestations extérieures, mais les sources mêmes du mal, s’ils n’avaient pas surtout de convoitises secrètes