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En attendant que la fracture d’une jambe lui donnât le loisir de redevenir un savant, Huxley poursuivait sa prédication. Il avait joint à sa thèse de la descendance animale de l’homme, la thèse, non moins anticléricale, de la génération spontanée, qu’il déclarait « un corollaire inévitable de la doctrine de Darwin ; » et peu s’en fallut même qu’il ne fît à ce sujet, en 1868, une découverte qui, certes, aurait suffi pour établir, aux yeux de Darwin, de Hooker, et de ses autres amis, que le philosophe, en lui, n’avait pas fait tort au savant. Il crut avoir découvert, dans les boues de l’Atlantique, une « monère » véritable, l’intermédiaire direct du règne inorganique et de l’organique. Il baptisa sa « monère » le Bathybius, la présenta aux sociétés savantes anglaises et étrangères ; et les « curés » purent craindre, un moment, de voir surgir un argument d’expérience contre leur « hypothèse de la création. » Mais ce ne fut qu’une fausse alerte. Le Bathybius, après dix ans de vérifications et de discussions, se trouva n’être qu’un « précipité minéral ; » et Huxley, avec sa bonne grâce et sa franchise ordinaires, proclama lui-même son erreur au Congrès pour l’Avancement des Sciences de 1879.

Il n’en continuait pas moins, cependant, à affirmer qu’une découverte prochaine fournirait à l’hypothèse darwiniste les preuves qui lui manquaient. Il reconnaissait, en vérité, que « l’élevage sélectif n’avait pas encore produit d’espèces stériles entre elles ; » mais, reprenait-il, « je n’ai guère de doute qu’un système d’expérimentation plus sérieux ne parvienne bientôt à produire, par sélection, de nouvelles espèces physiologiques. » Il n’y avait rien qu’il n’attendît de la science en général, et du darwinisme en particulier. Il considérait celui-ci comme « supérieur en certitude à la théorie de Copernic sur les mouvemens des corps célestes ; » il s’indignait que l’on confondît Darwin avec Lamarck : « Si même Darwin s’était trompé, disait-il, il occuperait dans l’histoire des sciences un rang infiniment supérieur à Lamarck, en raison de sa sobriété et précision de pensée. » Il disait encore que « ses amis et lui constituaient une nouvelle école de prophètes, les seuls qui pussent opérer des miracles, les seuls qui pussent constamment faire appel à la nature pour attester l’évidence de leurs affirmations. » Il disait que, « à l’heure actuelle, la question importante, pour l’Angleterre, n’était pas la durée de son charbon, mais la compréhension des vérités de la science, et le travail des savans anglais. » Et il ajoutait :


Mon ambition n’est pas de fonder une école nouvelle, ni de réconcilier l’antagonisme des écoles anciennes. Nous nous trouvons au milieu d’un