Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 162.djvu/95

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

traités soient rigoureusement exécutés, que les voies ferrées déjà concédées soient construites, que les Européens, les Américains, les Japonais élèvent des usines dans les nombreux ports ouverts, que leurs bateaux à vapeur parcourent les principales rivières, ils en tireront un important profit, et le commerce de la Chine, déjà en grande voie de croissance, augmentera encore beaucoup. Mais, pour le reste, laissons un peu les Chinois tranquilles ; ne leur imposons pas de nouveaux chemins de fer, ils en construiront, ou plutôt nous demanderont d’en construire pour eux, s’ils le veulent. Nous croyons qu’ils le voudront : les classes commerçantes et le peuple lui-même, parce que leur esprit de négoce si éveillé saura en apprécier l’avantage une fois qu’ils les verront à l’œuvre ; le gouvernement, parce qu’il y trouvera, comme dans le télégraphe, un moyen de fortifier son autorité. Nous pensons qu’en général les Chinois finiront par se réconcilier avec beaucoup des côtés matériels, — nous ne disons pas des autres, — de la civilisation occidentale ; mais ne faut-il pas leur donner le temps de s’y accoutumer ?

Une objection se présente toutefois. Peut-on vraiment espérer une paix et une sécurité durable si l’impératrice douairière, — certains disent même : si la dynastie actuelle, — conserve le pouvoir ? En ce qui concerne l’impératrice, son exil serait certes la meilleure des solutions, si on peut l’obtenir. Le peut-on ? Elle a mis la main aujourd’hui sur tous les rouages du gouvernement ; elle représente la seule autorité existante ; le jeune et débile empereur qu’elle traîne après elle, soumis à la surveillance la plus étroite, n’est qu’un jouet entre ses mains. Qui donc en Chine oserait lui parler assez fermement pour l’obliger à descendre du pouvoir ? Ce n’est pas Li-Hung-Chang, qui lui doit beaucoup, à qui elle a prodigué jadis toutes les faveurs qu’une souveraine peut accorder : le madré vice-roi est bien âgé pour accomplir une démarche si audacieuse, si peu conforme d’ailleurs à sa politique plus rusée qu’énergique. Il ne faut pas non plus en demander trop aux grands vice-rois du Yang-tse, Chang-Chih-Toung et Liou-Koun-Yi : c’est assez qu’ils aient maintenu l’ordre dans leurs provinces. Il est fort probable qu’ils verraient d’un bon œil la chute de la douairière, mais ils sont trop prudens pour en prendre l’initiative. Le prince Ching, l’un des négociateurs de la paix, mieux placé peut-être pour le faire, l’oserait-il en présence de l’opposition de tous les autres princes, de tous les Mandchous, de toute