Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 162.djvu/96

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la Cour, plus hostiles encore aux étrangers que l’impératrice qu’ils entourent ?

Si tous les membres de la dynastie nous sont si irrémédiablement hostiles, pourquoi ne la remplacerions-nous pas par une autre ? La proposition a été faite et c’est une question de savoir s’il n’eût pas mieux valu, vers 1860, aider les Taïpings que soutenir les Mandchous ; mais ceci est le passé. Maintenant, il est encore probable que, si la Chine était abandonnée à elle-même la dynastie mandchoue s’effondrerait dans un peu lointain avenir. Ce ne serait pas sans une longue guerre civile, durant laquelle l’anarchie régnerait dans une grande partie de l’empire. L’Europe tolérerait-elle aujourd’hui une période de plusieurs années de troubles ? Les industriels, les négocians qui font des affaires avec la Chine, les porteurs d’emprunts chinois, les sociétés de missions aussi ne s’alarmeraient-ils pas, ne presseraient-ils pas leurs gouvernemens d’intervenir ? Les convoitises de ceux-ci ne s’allumeraient-elles pas ? On voit les dangers de toute sorte d’un pareil événement. Puis, si nous voulions le provoquer au lieu de le laisser se produire spontanément, notre appui n’enlèverait-il pas à notre prétendant beaucoup de sympathies parmi les indigènes, parviendrait-il à faire reconnaître son autorité dans toutes les provinces ? Non, un changement de dynastie ne pourrait s’effectuer sans entraîner d’inextricables difficultés et de très graves périls.

Même s’il est impossible d’obtenir l’éloignement de l’impératrice douairière, mieux vaut encore conserver au pouvoir la famille régnante. Le prestige de la vieille souveraine se trouvera sans doute diminué, pour peu que nous ayons fait montre de quelque énergie, et il sera peut-être possible de faire jouer un rôle plus important à l’empereur. Sans doute il conviendra de redoubler de surveillance et de fermeté tant que cette Sémiramis d’Extrême-Orient sera au pouvoir. Durant cette période, qui sera limitée, car Tze-Hsi est vieille, le maintien, non seulement de gardes dans les légations, mais d’une forte troupe européenne, soit a Pékin même, ce qui serait le mieux, soit aux environs immédiats de la ville, pour intimider la Cour, pour l’empêcher au besoin de quitter la capitale, serait une mesure des plus utiles, presque indispensable. Nous n’ignorons pas tous les inconvéniens des garnisons internationales ; pourtant le système a fonctionné tolérablement en Crète pendant assez longtemps. Un homme qui a beaucoup voyagé dans la Chine et qui la connaît très bien, M.