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brutalités. C’est un esprit rectiligne et sans nuances, très capable, dit-on, de mesurer la courbe d’un projectile dont il connaît le poids et la force d’impulsion initiale, mais auquel le monde moral est déplorablement fermé. Si un homme de ce caractère a le malheur d’entrer dans la politique par une mauvaise porte et de tomber entre les mains d’un parti dont il devient l’instrument docile, il est destiné à faire beaucoup de mal. Après les émotions que nous avons tous subies, mais qui ont été particulièrement vives dans l’armée, il fallait écarter soigneusement de celle-ci les agitations nouvelles et y ramener la confiance, le calme et la paix. C’est ce qu’avait voulu faire le prédécesseur du général André ; mais il s’est proposé, lui, un autre but. Il a voulu faire entrer l’armée, de gré ou de force, dans une formule qu’il appelle républicaine, et qui est étroite, bornée et sectaire. Tout ce qui sort un tant soit peu de l’alignement imposé y est ramené avec rudesse, et le ministre de la Guerre a l’air d’être particulièrement heureux, lorsqu’il a l’occasion de faire acte de force, sous le nom d’autorité. Son intervention personnelle dans les affaires du 18e dragons y a mis un tel désordre qu’il a fallu finalement disperser aux quatre coins de la France et de ses colonies tous les officiers de ce régiment. Au point où en étaient les choses, nous ne critiquons pas ce dénouement ; peut-être n’y en avait-il pas d’autre possible ; mais on ne saurait juger trop sévèrement les causes qui l’avaient rendu nécessaire.

Une discussion a eu lieu là-dessus à la Chambre : elle a permis au général André de faire connaître sa pensée tout entière sur un certain nombre de sujets, et particulièrement sur la loi du divorce qu’il a qualifiée pompeusement de loi fondamentale de la République. Pourquoi fondamentale ? Cette loi n’est pas plus fondamentale qu’une autre ; elle n’est pas plus républicaine qu’une autre ; elle mérite le même respect officiel qu’une autre, mais non pas une soumission intime d’un ordre particulier. Elle existe, soit, et le gouvernement a pour mission d’en assurer l’exécution. Mais son droit ne va pas plus loin. Chaque citoyen, qu’il soit fonctionnaire ou non, qu’il soit militaire ou non, reste libre de penser du divorce ce qui lui plaît. Le général André est libre de le considérer comme constituant une loi fondamentale : cette opinion est presque touchante dans sa naïveté, mais à la condition qu’on ne l’impose pas aux autres. Si, dans la conduite et dans les allures des officiers du 18e dragons, il y a eu quelque chose qui ressemblât à une manifestation publique contre une loi de l’État, l’autorité supérieure devait sans doute intervenir, sans qu’elle fût