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pourtant dispensée de le faire avec prudence et mesure. On comprend, toutefois, combien le cas devenait plus complexe, s’il s’agissait, non plus seulement des officiers du 18e dragons, mais de leurs femmes. Le ministre de la Guerre règle les rapports de service des officiers entre eux ; son autorité ne va pas jusqu’à régler les rapports privés de leurs femmes entre elles, ni à obliger ces dernières, sous prétexte que le divorce est une loi plus ou moins fondamentale de la République, à faire entrer dans leur intimité des personnes qu’elles aiment mieux ne pas connaître, quelque respectables qu’elles puissent être d’ailleurs. Peut-être, à notre tour, avons-nous l’air de poser des principes trop absolus : si cela est, c’est parce qu’on en a posé d’un autre côté. La vérité est qu’il n’y a rien d’absolu en ce monde, surtout lorsqu’il s’agit des rapports de société. Dans les temps calmes, avec des chefs bienveillans et fermes, les transactions nécessaires finissent par se trouver et par être acceptées. Malheureusement, nous sommes dans des temps agités, et le chef suprême de l’armée est encore plus agité que les temps eux-mêmes. Le général André se croit revêtu, moins d’un commandement supérieur que d’un apostolat : il ne lui suffit pas de faire respecter les lois, il veut encore les faire passer dans les mœurs. On a beau avoir un sabre à son côté, on risque d’échouer dans ce genre d’entreprise, et on échoue encore plus sûrement si on montre son sabre comme principal élément de persuasion. Aujourd’hui, le mal est fait : y insister serait appuyer sur une blessure encore vive. Mais il ne faudrait pas beaucoup d’incidens du même genre, pour causer un mal plus grave encore et peut-être irréparable. La Chambre, il est à peine besoin de le dire, a donné pleinement raison au général André.

On l’attend maintenant à la discussion de la loi sur les associations, qui figure à son ordre du jour après la loi sur la réforme des boissons. Ce grand débat sera peut-être retardé de quelques jours, mais il commencera sous peu, et, suivant toutes les apparences, il durera longtemps : sommes-nous même bien sûrs d’en voir jamais la fin ? En tout cas, nous aurons bientôt à en parler. Un incident auquel on a attaché une importance exagérée montre quelles dispositions la majorité ministérielle y apportera.

Les groupes radicaux et socialistes de la Chambre ont nommé des délégués chargés de délibérer et de s’entendre entre eux sur la direction à donner au débat. Ils doivent étudier le projet, ministériel, y faire des amendemens, s’il y a lieu, mais en évitant tout désaccord avec le gouvernement, dont ils sont les conseillers naturels et les