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doute a son intérêt ; mais il ne faut pas en exagérer l’importance. Après le discours de M. de Bulow, il devient difficile de le faire. L’affirmation que l’Allemagne n’est pas plus liée envers l’Angleterre que l’Angleterre n’est liée envers l’Allemagne ne voudrait rien dire par elle-même, car ces engagemens, lorsqu’ils existent, sont naturellement réciproques. Le lien a des deux côtés la même épaisseur ; mais, s’il n’a pas même celle d’un cheveu, il est permis de conclure à la parfaite indépendance des deux États à l’égard l’un de l’autre. C’est un point d’histoire contemporaine sur lequel nous sommes d’autant plus heureux d’être fixés qu’on l’avait laissé, à Londres, enveloppé de quelques nuages. Il est vrai que, dans un nouveau discours, M. de Bulow a atténué un peu ses premières expressions : mais nous ne croyons pas qu’il ait voulu par-là dire le contraire de ce qu’il avait affirmé d’abord.

Si nous tournons maintenant les yeux du côté de l’Angleterre pour rechercher dans le langage, ou même sur les visages du monde officiel, l’impression qu’a pu y produire le voyage de M. Krüger en Europe, nous risquons de perdre notre peine. Le Parlement anglais vient de se réunir pour quelques jours seulement : cette session extraordinaire n’a d’autre objet que de demander des subsides pour la guerre qui se prolonge au Sud de l’Afrique, et naturellement on a prononcé beaucoup de discours sur cette guerre, sur la manière dont elle a été conduite, sur ce qu’elle coûte, sur ce qu’elle coûtera. Les incidens de la campagne électorale ont laissé en outre dans un certain nombre d’esprits ou de consciences des souvenirs qui sont encore cuisans. Il y a eu là toute une liquidation à faire. M. Chamberlain y a été pris directement à partie, et il a montré dans sa défense, d’ailleurs facilement triomphante, que, s’il attaque les autres sans scrupule, il ne supporte pas sans émotion, ni sans colère, qu’on lui rende la pareille. On a donc parlé de beaucoup de choses à la Chambre des communes et à la Chambre des lords. M. Chamberlain s’y est exprimé avec une modération relative ; il a montré pour la première fois quelque estime pour la manière dont les Boers font la guerre, et même quelque inquiétude sur la durée de leur résistance. Il a néanmoins fait connaître le sort qu’il réservait aux deux républiques sud-africaines après leur défaite complète : elles seront déclarées jusqu’à nouvel ordre colonies de la couronne, et privées de toute indépendance politique. Lord Salisbury a ajouté devant la Chambre des lords que, plus tard, lorsque les circonstances le permettraient, lorsque les cœurs seraient changés, c’est-à-dire sincèrement soumis, on leur donnerait le self-government ; mais,