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s’abstenir des cérémonies en l’honneur des ancêtres ; renoncer à la piété filiale qui est la base de la société chinoise ; creuser entre eux et leurs ancêtres, entre eux et leurs compatriotes, un fossé infranchissable. Or, tant qu’elle n’avait à lutter que contre le taoïsme et le bouddhisme, la propagande chrétienne pouvait espérer le succès ; dès qu’elle s’attaquait au principe même de l’édifice social, alors que ce principe n’est pas intrinsèquement religieux et que les missionnaires le mieux informés, les chrétiens, l’Empereur même repoussaient toute idée superstitieuse, l’avenir lui semblait fermé. Cependant, malgré bien des pertes et des persécutions, le christianisme a survécu en Chine, surtout parmi les classes pauvres, parmi celles qui n’ont pas d’ancêtres ou ne peuvent les vénérer comme il convient.

Cette affaire déplorable eut sans tarder les plus fâcheux résultats. Un premier légat, Mgr de Tournon, reçu en audience par l’Empereur (1705) qui lui expliqua le vrai sens des rites, publia cependant un mandement qui les interdisait (1707) ; un autre, Mgr de Mezzabarba, vint pour aplanir les difficultés (1721) et permit les cérémonies sous certaines conditions. Celle double intervention d’un souverain européen dans les affaires chinoises et le dédain montré par Mgr de Tournon pour la parole impériale, irritèrent l’empereur Khang-hi qui bannit immédiatement Mgr Maigrot et deux de ses prêtres, fit bientôt arrêter le légat lui-même et l’envoya à Macao, où les Portugais le gardèrent en prison jusqu’à sa mort (1710). Alors l’appui impérial commença d’être retiré aux missionnaires. Sous les successeurs de Khang-hi, la Cour fut constamment et plus ou moins ouvertement hostile à la propagande chrétienne, tout en gardant à Péking quelques Jésuites pour le service de l’Observatoire. Enfin la suppression de cet ordre, l’arrestation à Macao, et l’expulsion par le gouvernement portugais de vingt-quatre de ses membres (1702) furent le coup de grâce pour l’ancienne mission de Chine. Les Jésuites eurent immédiatement des successeurs, mais peu nombreux, peu instruits des choses de Chine, mal vus des fonctionnaires et des lettrés ; ils ne purent soutenir l’œuvre d’éducation entreprise et longtemps prospères. Un fossé plus profond que dans le passé fut creusé entre la Chine et l’Europe.

Aujourd’hui, la situation des missions catholiques en Chine est bien différente de ce qu’elle était au XVIIIe siècle. Depuis les traités et d’après diverses conventions, elles ont en face du