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commission sur ses anciens cliens qui prennent de nouveaux bons. Les contrats ne deviennent définitifs qu’après approbation du service des renseignemens. Celui-ci consulte d’abord ses archives, où sont classés, au nom de leurs titulaires, tous les livrets de bons émis depuis vingt-cinq ans ; précieux dossiers de police privée, mais auxquels on ne peut se lier tout à fait parce que les hommes et les situations changent vite. Des inspecteurs sont envoyés pour s’enquérir de la moralité et des moyens d’existence de l’abonné proposé. On leur remet chaque matin trente feuilles à remplir, dont une, fictive, porte un nom et une adresse de fantaisie ; cela pour contrôler leur travail et s’assurer qu’ils prennent leurs informations en conscience.

Quant aux abonnés en cours, dix omnibus partent chaque matin à huit heures et transportent, dans les quartiers éloignés, les receveurs, qui doivent extraire 1 ou 2 francs par semaine, de poches très diverses, mais uniformément peu garnies. Ces recouvremens sont effectués à tour de rôle, chez le même abonné, par trois receveurs différens, dont l’alternance hebdomadaire aide à vérifier la régularité des visites.

Grâce à cette organisation savante, aux employés choisis dont il dispose et qui, tous, ont quinze et vingt ans d’expérience de leur besogne, l’établissement Crespin-Dufayel réduit au minimum le nombre des mauvaises créances, des bons falsifiés et des escroqueries multiples qui le menacent : trois personnes composent à elles seules tout son service du contentieux. Dans une opération qui comporte tant d’aléas, puisqu’elle ne s’adresse qu’à des individus sans surface, auxquels on ne demande aucun billet à ordre, un pareil résultat fait honneur à la probité de la population parisienne.

Il est clair pourtant qu’en cas de guerre, de panique ou de calamité nationale, toujours accompagnée d’un arrêt du travail, la plupart des abonnés se trouveraient incapables de tenir leurs engagemens. Les contrats Dufayel prévoient ce cas extrême, où ils se réservent de suspendre toute livraison à crédit ; mais, pour les livraisons déjà effectuées, ils rencontreraient de grosses défections parmi leurs débiteurs, sans pouvoir faire attendre les créanciers : horlogers ou confectionneurs, marchands de meubles ou de bicyclettes.

Ce risque éventuel, non moins que l’intérêt du fonds de roulement nécessaire, — une vingtaine de millions de francs, —