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divisions, des partis et des haines, mais personne n’est inconnu de ses voisins ; les goûts, les habitudes, les faits et gestes de chacun sont observés, discutés. Il existe entre les habitans des rapports, des liens, qui peuvent être moins que cordiaux mais qui sont réels.

Les 630 mutualités agricoles aujourd’hui existantes, toutes ou presque toutes communales, se partagent en deux groupes principaux : le Centre fédératif du Crédit populaire et l’Union des Caisses rurales et ouvrières. A la tête de ces deux agglomérations sont des hommes qui, — si l’on excepte le déchet inévitable de quelques professeurs de sociologie en chambre, quelques politiques en disponibilité, porteurs de toasts et banqueteurs platoniques, — ont accompli avec un superbe dévouement une tâche ingrate et méritoire. A l’Union des caisses, sous la présidence de M. Louis Durand, apôtre perspicace et infatigable, MM. l’abbé Lemire, Harmel, Fournier-Sarlovèze ; au Centre fédératif, à côté de M. E. RRstand, le Père Ludovic de Besse, un éloquent capucin, l’honneur de son ordre, M. Benoit-Lévy, M. Dufourmantelle, etc.

Ces deux phalanges, qui devraient, semble-t-il, se soutenir, sont malheureusement rivales, même hostiles. Le Centre fédératif, sagement libéral, traite l’Union des caisses de sectaire, parce qu’elle refuse d’adhérer au principe de neutralité religieuse ; l’Union des caisses, étroitement catholique, accuse le Centre fédératif d’impiété, parce qu’il accouple, dans son conseil dirigeant, des israélites et des moines, des croyans et des francs-maçons. Une malveillance réciproque anime ainsi ces deux affiliations, et, parce qu’elles visent au même but par des moyens différens, elles sont portées à se combattre.

Quel juge impartial de ces griefs pourrait donner tort à l’un ou à l’autre ? Le Centre fédératif a mille fois raison de bannir les luttes confessionnelles du terrain des alla ires, où elles sont en même temps déplacées et dangereuses : il a raison, pour provoquer tous les concours, de ne déployer aucun drapeau. Qui pourtant oserait jeter la pierre à l’Union des caisses rurales, si, puissamment aidée par le clergé des campagnes, elle rêve, — car peut-être ne sera-ce qu’un rêve, — d’imprimer à cette œuvre économique un caractère religieux, et de doter ses adeptes d’un « Crédit mutuel » où l’on trouverait autre chose que de l’argent et que de l’or : un peu de pain venu du ciel ?

L’homme en travail depuis cent ans a enfanté des manufactures, des mines, des docks, des bateaux, des télégraphes, des