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pénètre quelque peu dans l’intérieur des terres, cette ressource ne tarde pas à faire défaut. Dans la région du Gabon et du Rio Benito, au dire du lieutenant Blaise, à une distance d’une douzaine de lieues de la côte, les indigènes en sont réduits à fabriquer le sel de cendres. En fait, toutes ces populations littorales, au lieu d’exploiter elles-mêmes le sel marin, le reçoivent des traitans européens, qui ont établi presque ; partout des comptoirs. Le sel qui inonde ainsi toute l’Afrique occidentale est, surtout, du sel anglais. Ce sel est recueilli aux portes mêmes de Liverpool, où il est embarqué par milliers de tonnes. Il y a là, à Norwich, au milieu des grès bigarrés du terrain triasique, deux couches puissantes de sel gemme, l’une de 25 mètres d’épaisseur, l’autre de 40, qui sont exploitées tout à fait en grand et dans des conditions à la fois si perfectionnées et si favorables qu’elles défient à peu près toute concurrence.

Il est ainsi vendu, sur la côte occidentale, une quantité considérable de sel en sacs. On ne peut évaluer à moins de 40 000 tonnes l’apport de Liverpool. Hambourg y amène, de son côté, quelques milliers de tonnes de sel allemand ; le sel français forme l’appoint, qui est très faible. — Toute cette masse de sel ne suffit encore à alimenter qu’une zone très restreinte du littoral. C’est que le sel est une substance éminemment déliquescente, qui subit déjà un déchet notable en magasin, et à plus forte raison pendant les transports : il fond dans les sacs exposés à l’humidité atmosphérique, à la rosée ou aux accidens des voyages par eau. D’autres fois les enveloppes se percent, se déchirent ; et c’est encore là, pour le contenu, une autre manière de se perdre. Ces accidens, ajoutés aux aléas du transport exécuté à dos d’homme ou de chameau depuis le port de débarquement, font comprendre que la zone de pénétration du sel européen n’atteigne pas au-delà, de 200 kilomètres. Aussi n’est-ce pas le sel d’Europe qui alimente le Soudan proprement dit, les régions de la boucle du Niger et du lac Tchad et le Congo belge ; c’est le sel en plaques venu du Sahara. Celui-ci est transporté à l’état de plaques, en effet, d’un poids moyen de 15 à 35 kilogrammes, ayant, en moyenne, 1 mètre de long sur 30 centimètres de large, avec une épaisseur de 5 à 8 centimètres. Tous les explorateurs connaissent ces barres de sel qui forment l’un des objets principaux du commerce soudanien.

Ce sel brut, impur, chargé de débris terreux, coloré par