Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 1.djvu/352

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dessins de Léonard qui nous ont été conservés, un grand nombre aient trait directement à son art ou à ceux qu’il a également pratiqués, comme l’architecture et la sculpture. Mais c’est aussi par des dessins qu’il essaye de traduire les données ou les résultats des diverses études qui se sont disputé son attention : celles de la géologie, de la météorologie, de la botanique, de la mécanique, celles qui se rapportent à la science de l’ingénieur ou à l’art militaire. Il faut que les observations auxquelles il se livre, aussi bien que les vérités ou les applications qu’il en veut dégager, prennent une forme pittoresque, et que la science et l’art s’y prêtent un mutuel secours. Aussi à côté de pures géométriques, de problèmes d’optique ou de perspective, sur les marges de ses manuscrits se pressent des croquis de toute sorte : construction de digues ou de ponts, des pliures ou des estacades, des forteresses, des catapultes, des armes d’attaque ou de défense, des écluses, des formes de nuages, des eaux qui s’écoulent, des arbres avec la structure de leurs troncs, de leurs racines ou de leurs branches, avec la disposition variée de leurs feuilles, etc. Les cartes de géographie qu’il dresse lui-même, celle de la Toscane par exemple, sont des représentations de la terre à la fois scientifiques et vivantes, avec la vue panoramique des diverses vallées, des cours d’eau qui les forment, des montagnes d’où ils descendent, de la mer à laquelle ils aboutissent. En consultant de pareilles cartes, les savans y constatent la logique des lois naturelles et les artistes y découvrent la beauté pittoresque d’une contrée.

En dehors de ces dessins qui offrent ainsi un double intérêt, Léonard se propose des exercices ingénieux, comme ces entrelacs d’une complication extrême dans lesquels, avec une dextérité sans égale, il multiplie les entre-croisemens et les nœuds. Il sait se retrouver au milieu de ce dédale et tirer de ces arabesques les motifs d’une ornementation originale, faisant paraître simples et faciles des tracés où s’épuiserait la patience des autres.

Dessiner est pour lui un plaisir et un besoin de tous les instans. À côté de comptes de ménage ou de calculs longs et ardus, le souvenir d’un beau visage ou d’une élégante attitude ; lui revient tout à coup à l’esprit et il ne peut s’empêcher de les noter en quelques traits. Ou bien c’est un chat qui est entré dans sa chambre et qu’il s’amuse à dessiner pendant qu’il joue avec ses petits ou qu’il fait sa toilette, avec toute la souplesse et la vérité de ses attitudes familières. Ici ce sont des caricatures et plus