Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 1.djvu/471

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nous affirmer que la plaie de l’Italie contemporaine est le catholicisme, et que, tant qu’on aura un pape, des cardinaux, voire des curés de village, tout l’effort des hommes politiques italiens restera stérile. « Pauvre État, sans cesse aveuglé et souffleté par l’Église ! » Et « si la lutte, si le martyre de tant de héros, — les Cavour, les Mazzini, et les Garibaldi, — si tout cela n’aboutit qu’à un grand flot d’impuissance et de corruption, à qui en est la faute, si ce n’est aux prêtres, si ce n’est à cette noire papauté qui a tari toute liberté dans le sang italien ? »

Ai-je besoin de dire, après cela, que ce violent réquisitoire ne s’appuie sur aucun fait, ou, tout au plus, sur quatre ou cinq menus détails d’une portée très restreinte ?

Pour nous prouver que le catholicisme est la plaie de l’Italie, Mme Ward nous montre une foule cosmopolite assistant à la bénédiction pontificale dans l’église de Saint-Pierre, « avec une curiosité mêlée d’indifférence. » Ou bien elle nous déclare que le catholicisme, en écartant les femmes des fonctions sacrées, condamne les prêtres à ignorer tout de l’âme féminine. Ou bien elle met en scène un curé de village qui a été désigné pour prêcher l’A vent dans une église à Home, et qui, cependant, attribue à Michel-Ange une ancienne copie de la Sainte Cécile. Ailleurs encore, une jeune fille, dont le frère vient d’être tué en Abyssinie, abandonne sa mère pour entrer au couvent. Et, si des jeunes gens se résignent à faire partie de la garde noble, « ce n’est qu’en considération des beaux uniformes qu’ils sont ainsi admis à porter. »

Tels sont, cette fois, avec cinq ou six autres du même genre, les argumens de l’agnosticisme de Mme Humphry Ward. Mais il y a au-dessus d’eux une figure qui, sans jouer presque de rôle dans l’action du roman, y tient cependant une place considérable, et dont la seule destination est, suivant toute apparence, de mettre en relief et de prouver la thèse de l’auteur. C’est un vieux prêtre bavarois, le Père Benecke, à qui Manisty accorde l’honneur d’une estime toute particulière. « Ses joues sont creuses et sa face parcheminée, mais il a dans les yeux une innocence et une jeunesse exquises. » Il est venu à Rome pour défendre devant la Congrégation de l’Index un ouvrage qu’il vient de publier, « un ouvrage d’une nuance un peu libérale, à peine libérale, avec une légère touche d’évolutionnisme, de critique biblique. » Et l’on apprend, un beau jour, que l’ouvrage a été condamné, et que le Père Benecke s’est soumis à la condamnation. Mais lui-même, le lendemain, vient annoncer qu’il ne se soumet plus :