leur ensemble, à établir comme des preuves de la trahison du commandant de l’armée de Rhin-et-Moselle ce qu’on a appelé son inaction volontaire devant l’ennemi et jusqu’aux revers qu’il éprouva sur le Rhin. L’accusation serait grave, si elle n’était démentie par les faits eux-mêmes, tels qu’ils apparaissent dans la correspondance officielle des généraux avec le Comité de Salut public et le Directoire. Nous croyons qu’elle ne résiste pas à cet examen et que, quelque respectables que soient les appréciations sur lesquelles elle se fonde, elles ne sauraient échapper au reproche de s’être surtout inspirées du souvenir de cette rivalité entre grands chefs, dont l’histoire des guerres de la Révolution et de l’Empire offre tant d’exemples. On ne saurait du reste perdre de vue qu’elles ont été émises vingt, trente et quarante ans après les événemens, et que leurs auteurs ont pu subir à leur insu l’influence de cette opinion toute faite qu’avant eux d’autres avaient subie déjà.
Au surplus, il suffit que de telles objections y aient été opposées et que, par surcroît, preuve ait été fournie de l’effronterie de Mongaillard, des mensonges de Fauche-Borel, de leur vénalité ; à tous deux et de celle de leurs complices pour que les hommes impartiaux ne puissent considérer comme résolue la question de savoir si le général Pichegru, en 1795 et en 1796, lorsqu’il commandait les armées de la République, a trahi ou voulu trahir son pays ; si, comme on l’en accuse, il s’est volontairement affaibli pour faciliter les victoires des Autrichiens ; s’il a en l’intention de leur livrer d’Alsace ; s’il leur a livré Mannheim ; s’il leur a signalé les points où il leur serait aisé de le vaincre ; s’il leur a procuré de faciles succès en refusant de porter secours à Jourdan et retardé leur défaite ; définitive en consentant à l’armistice de décembre. Une étude consciencieuse de sa conduite peut seule porter la lumière dans ces obscurités. Si ce n’est pour défendre une mémoire irréparablement entachée par tant d’autres faits condamnables, mais tout au moins dans l’intérêt de la vérité, une telle étude présente encore aujourd’hui un attrait que nul ne contestera, bien qu’on ne puisse espérer qu’elle détruise la légende séculaire d’un Pichegru traître et parjure, se substituant au Pichegru conquérant glorieux de la Hollande et rival de Bonaparte. Il est depuis longtemps démontré que la vérité, quand elle se produit tardivement, ne peut rien contre la légende et que presque toujours celle-ci lui survit.