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pharmacien de Sainte-Menehould, qui les confectionnai ! , avec le directeur d’une gazette parisienne, vivant génie de la réclame.

Qui possède cet heureux don réussit sans effort les « grains de santé contre l’anémie » et les « pâles » excitatrices de cheveux sur les crânes rebelles ; il lance, à tour de rôle, des remèdes pour combattre la migraine ou pour supprimer les hernies. Et s’il acquiert, pour peu de chose, la propriété d’un élixir qui végète, il le revend dix fois plus cher après une période de publicité active. La maison Torchon, propriétaire du « Goudron Guyot » et d’une quantité d’autres marques, fut mise en vente à la mort de son chef, en 1885, sur le pied du bénéfice des exercices précédens qui s’étaient élevés en moyenne à 1500 000 francs par an. Un autre fabricant de produits pharmaceutiques, qui fut quelque temps député de la Seine, gagnait à peu près la même somme.

Toutes ces annonces, comme les objets à qui elles s’appliquent, sont de la nature la plus innocente. Mais la quatrième page des journaux est guettée aussi par des chevaliers d’industrie qui cherchent à s’y embusquer ; tels sont, par exemple, ceux qui offrent de procurer des emplois, à qui leur adressera, soit des timbres, soit quelque menue monnaie « pour les frais de réponse », et qui ne répondent jamais. Il ne se passe pas de jour où les feuilles sérieuses ne refusent pour un certain chiffre d’insertions qui fleurent l’escroquerie.

Quant aux « petites correspondances » qui offensent simplement la morale, certaines gazettes sont plus indulgentes. M. Bérenger a donné lecture, à la tribune du parlement, de textes dans le goût de ceux-ci : « Jeune fille désire trouver ami riche, » ou « Jeune femme du monde, gentille, ne se suffisant pas, souhaite union sûre avec monsieur aisé. » L’honorable sénateur s’est plaint que ces rédactions tentatrices ne tombassent pas, malgré leur parfum prononcé de proxénétisme, sous le coup de la loi. Les entrefilets de cette sorte ne sont d’ailleurs pas tous authentiques, mais ils portent quand même : pour mesurer le degré de diffusion du journal auquel il appartenait, un reporter jovial glissa cette phrase dans la rubrique des « mariages : » « On demande une femme n’ayant qu’une jambe. » Il paraît que les réponses ne manquèrent pas.