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rien, mais n’admettant pas de rester en dehors de la distribution, s’il en est fait une. Il n’est ici question que des affaires honnêtes ; des autres, les journaux sérieux ne parlent jamais ; non seulement par délicatesse, mais parce que le préjudice moral qui en résulterait pour eux surpasserait de beaucoup la somme à recevoir.

La charge serait trop lourde encore pour une entreprise modeste, mais celle-là n’a pas besoin de faire appel au crédit. Il n’est pas fait à Paris plus d’une cinquantaine d’émissions publiques, chaque année, et le montant total de leurs frais peut être évalué à 5 millions de francs. Ils ne sont nullement proportionnés, pour chacune d’elles, au capital à couvrir ; l’engouement ou l’indifférence de l’opinion y a grande part. Telle souscription de 12 millions a coûté, ce printemps dernier. 250 000 francs, affiches comprises ; ce sont là des conditions normales. Tandis que le premier emprunt russe de 600 millions réussit avec seulement 1 million de francs, dont moitié en annonces visibles et moitié en publicité dans les bulletins.

Quelque transformation que subisse le monde économique, il obéira toujours aux mêmes lois : il faudra toujours de la réclame pour avoir de l’argent et de l’argent pour susciter de grandes industries. Sous l’influence des idées aujourd’hui en faveur, on voit les syndicats d’ouvriers ou d’employés obtenir des pouvoirs constitués les concessions de travaux et de monopoles. On serait tenté d’y voir une évolution socialiste. Grave erreur ; ces syndicats servent simplement de façades à des banquiers puissans qui les commanditent, emploient leurs noms pour s’accommoder au goût du jour et mènent, sous leur couvert, des campagnes capitalistes dans les moniteurs les plus férocement hostiles au capital.

La publicité financière se traite par conventions purement verbales ; les agens qui la centralisent ont soin toutefois, pour justifier l’emploi des fonds confiés par leurs commettans, d’en acquitter le prix au moyen de chèques. Leur fonction est assez ardue : d’un côté, ils doivent déjouer les ruses des spécialistes qui font paraître de pseudo-périodiques, quelques jours avant les grosses émissions, pour avoir part à la manne, ou qui, pour augmenter la part à eux attribuée, présentent, sous plusieurs titres, la même gazette dont les « manchettes » seules différent ; d’un autre côté, il leur faut négocier l’appui d’organes presque