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Vois mon âme en ces vers sans artifice peinte,


disait-il à l’un de ses amis. C’est pourquoi, si jadis dans son Olive, et surtout dans ses Vers Lyriques, il n’avait saisi du lyrisme que l’apparence ou la figure d’art, il en a saisi dans ses Regrets le principe, qui est la sincérité de l’émotion personnelle. Les sonnets de l’Olive étaient des « élévations : » ceux des Regrets sont ses « méditations » ou plutôt sa « confession. » Et fallait-il donc tant d’efforts, se demandera-t-on peut-être, et tant de bruit, et tant d’éclat, pour n’aboutir qu’à se confesser ? On n’aura, pour se répondre, qu’à faire une brève comparaison des Regrets avec les Epitres de Marot les plus personnelles, — et par exemple, avec son Eglogue au Roi sous les noms de Pan et de Robin. On y joindra, si l’on veut remonter plus haut, le Testament de Villon. On se convaincra, sans doute alors que, pour écrire les sonnets des Regrets, dont nous n’avons pas cité les plus beaux ou les plus achevés, mais les plus significatifs, il n’était pas inutile d’avoir « pâli » sur les sonnets de l’Olive ou sous la discipline érudite du collège de Coqueret. Les Grecs et les Latins, les Italiens, Pétrarque, l’Arioste avaient servi à Du Bellay comme d’un passage pour en revenir à lui-même, et puisqu’il n’avait pas prétendu autre chose dans sa Défense et Illustration, ses ambitions et celles de l’école, en ce point, n’avaient donc pas tout à fait échoué.

En même temps que les Regrets, — auxquels il allait ajouter une cinquantaine de sonnets qu’on aimerait autant qui n’en lissent point partie, — il rapportait d’Italie ses Antiquités de Rome, dont nous avons cité quelques vers ; un recueil de poèmes latins, Poemata, en l’honneur de « Faustine » pour la plupart. — Faustine était une Italienne, plus réelle que Mlle de Viole, et qu’aussi le poète a aimée d’une autre manière ; — et enfin le recueil intitulé : Divers Jeux Rustiques et autres œuvres poétiques. Ils parurent tous les quatre dans la même année 1557.

Les Jeux Rustiques ne valent pas les Regrets. Les meilleures pièces qu’ils contiennent, ainsi la chanson d’un Vanneur de blé aux vents :


O vents, troupe légère
Qui d’aile passagère
Par le monde volez…


ne sont que des traductions. La satire Contre les Pétrarquistes :