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objets, sinon les divers papiers qui devaient être présentés à Pichegru, et n’est-on pas autorisé à conclure de ce reçu de Badouville que, ne pouvant arriver jusqu’au général, les émissaires ont obtenu de l’aide de camp, moyennant argent, qu’il s’acquitte de la commission en leur lieu et place ? D’autre part, il existe aux Archives de Chantilly un billet qui passe pour être de la main de Pichegru, — ce serait le seul autographe qu’on eût de lui relativement à cette affaire, — et qui prouverait qu’il a réellement reçu des papiers. « L… a reçu les pièces d’X… et les examinera pour en faire usage dans les circonstances convenables. Il aura soin d’en prévenir X… » Mais il ne prouve pas que Pichegru a vu Fauche-Borel, tandis que le reçu de Badouville autorise à penser qu’il n’a pas voulu lui donner audience. Quelle que soit au surplus la vérité à cet égard, et quoique tout un ensemble de circonstances rende bien invraisemblable celle visite du 20 août, il ressort des aveux de Fauche-Borel qu’un plan a été soumis à Pichegru, puisque ce plan est visé dans les diverses réponses verbales attribuées au général.

Entre ces réponses. — il en existe au moins trois, — nous n’avons que l’embarras du choix. Il y a celle qu’a reproduite Montgaillard dans sa conversation avec d’Antraigues, et que le Directoire fit afficher le 18 fructidor sur les murs de Paris, en la donnant comme écrite de la main de Pichegru, alors que le délateur lui-même ne l’avait présentée que comme verbale. Il y a celle qu’a insérée dans ses Mémoires Fauche-Borel ; elle a été manifestement rédigée après coup et accommodée aux nécessités des polémiques qui s’étaient engagées entre Montgaillard et lui. Il y a enfin celle qu’il transmit à Condé, et qui figure dans les Archives de Chantilly. Elle porte ce qui suit :

« Pichegru a promis d’envoyer à Basic, sous trois jours, à compter du 25 août, un homme de confiance porteur d’une lettre de sa part, laquelle répondra à la note à lui remise de la part du prince. Il a manifesté en des termes non équivoques son entier dévouement à la chose : il m’a chargé de faire ses excuses s’il ne répondait pas au prince d’une manière plus convenable ; mais, crainte de compromettre la chose, il a cru prudent de se contenter d’annoncer qu’il avait reçu la pièce et qu’il allait s’occuper du travail nécessaire à la réussite du projet. Il s’est informé si le prince avait l’argent nécessaire pour solder son armée ; il a demandé qu’on ne pressât pas trop l’exécution, dans la crainte