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qu’une démarche trop précipitée ne compromit cette importante affaire.

« Il a annoncé ne pas avoir encore tout son monde, mais que la visite qu’il allait faire dans les différens postes de son armée stationnés entre Strasbourg et Huningue lui faciliterait les moyens de choisir les personnes qu’il croirait devoir employer au bien de la chose. Quand il aura tout disposé, il aura soin d’en informer le prince, et au moment où il croira l’instant favorable à l’exécution. Il a paru se disposer à livrer Huningue, où il s’est rendu pour s’assurer de l’esprit de la garnison, alin de la changer ou la diminuer selon que les circonstances lui paraîtront l’exiger. Il a témoigné tout son amour pour les princes, et a assuré qu’ils avaient déjà manqué plusieurs fois l’occasion de se réunir à son armée. Il a demandé où était le Roi et s’il ne viendrait pas auprès des princes ; il a appris avec plaisir l’heureux débarquement de M. le comte d’Artois à la Vendée. Il ne parait pas inquiet sur la manière de s’assurer des représentans, et il ne paraissait pas craindre le passage des Autrichiens. Il a désiré, une proclamation très courte, mais énergique, pour son armée. »

Il n’y a pas lieu de rechercher si cette première version de l’entrevue du 20 août est plus véridique que les deux autres ; il suffira de constater qu’elle en éclaire vivement les mensonges. Il n’y est question, ni, comme dans celle des Mémoires de Fauche-Borel, d’un passage du Rhin, favorisé par les Autrichiens et d’une marche sur Paris, bras dessus bras dessous avec l’année de Condé, ni, comme dans celle de Montgaillard, de l’engagement pris par Pichegru d’éloigner « les coquins et de les placer dans des lieux où ils ne pourront nuire, la garde des places fortes d’Alsace étant confiée aux troupes impériales. » Si ces promesses ont été faites, ce n’est ni le 10 août, ni le 20 ; c’est le 24, dans une troisième entrevue, dont voici le compte rendu rédigé par Fauche-Borel en mai 1796, c’est-à-dire plus de huit mois après, ce qui ajoute à tant d’autres motifs de douter de sa véracité.

« A mon troisième voyage au quartier général de Pichegru, le 24 août, il me dit :

— J’ai bien réfléchi depuis six jours à ce que Son Altesse désire. Le seul moyen prompt et sûr de l’exécuter est celui-ci. Je passerai le Rhin, — d’autant que les représentans du peuple veulent qu’on le passe, — avec six, huit et dix mille hommes, la quantité en un mot que Son Altesse fixera, le jour, l’heure, le lieu et