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résistent que pour la forme ; ils cèdent tour à tour et consentent à continuer leur concours au prince ; Montgaillard désarme le dernier, après s’être montré un peu plus récalcitrant. Le 19 septembre, il semble avoir tout oublié. Il mande au prince que « Courant, plein de zèle, est rentré en France le 18 pour rejoindre Pichegru ; que Fauche et Fenouillot sont à Berne. Ils se serviront des moyens que je leur ai donnés pour déterminer Pichegru à agir avec célérité. Ce sera peut-être dans huit ou dix jours. »

En parlant « des moyens qu’il avait donnés » à Fauche et à Fenouillot, il se vantait. Les seuls moyens qu’ils eussent consistaient en une lettre de Condé pour Wickham, dont Montgaillard ignorait le contenu, peut-être même l’existence, et dans laquelle il n’était nullement question de lui. Cette lettre mérite de trouver place ici, parce qu’elle révèle l’état d’âme de Condé, à la date où elle fut écrite (17 septembre), et démontre qu’à ce moment encore, sa confiance dans les dires de ses émissaires n’était pas ébranlée.

« Pour vous prouver, Monsieur, la confiance entière que j’ai en vous, sur laquelle il m’est revenu (ce qui m’a fait infiniment de peine) que vous ne comptiez pas, comme je suis sûr de la mériter, je vous envoie MM. Fenouillot et Fauche, qui sont connus de vous, et qui sont les deux hommes dont je me suis servi pour me mettre au point très favorable où j’en suis avec Pichegru. Ils disent que Pichegru a dit qu’il fallait qu’il eût de l’argent disponible au premier moment qu’il éclaterait ; il s’agit de 200 000francs ou 300 000 francs. Pour vous donner toutes les sûretés possibles que cet argent sera employé à son objet, Fenouillot offre de rester avec vous en otage. Il est question, Monsieur, de sauver la France, peut-être, de la seule manière dont elle puisse l’être. C’est le vœu de l’Angleterre, vous me l’avez dit, elle nie l’a prouvé, je ne me permets pas d’en douter un seul instant.

« J’ose être sûr que vous n’hésiterez pas, si vous avez assez de confiance eu Fauche, pour le charger de cet argent (comme je crois que vous le pouvez ; il a un état et une fortune qui vous répondent de lui). Je crois que cela vaudrait mieux, que de faire voir à Pichegru un nouveau visage, qui lui inspirerait peut-être de la méfiance. Je ne vous avais fait proposer d’envoyer quelqu’un à vous, que pour ne pas vous laisser le plus petit doute sur l’emploi de vos fonds. Si vous y tenez, cela sera fait, mais