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POÉSIE

AVANT LE SOIR


Le soir n’est pas encor tombé, le soir mystique
Qui calmera nos cœurs et fermera nos yeux,
Le soir où surgiront, par-delà d’autres cieux,
Les tours de sombre azur des villes du cantique.

Mais déjà quelque brise, un murmure confus
Dans l’ombre qui s’allonge en annoncent l’approche,
Et je me sens bercé d’une invisible cloche
Qui pleure, on le dirait, sur l’homme que je fus.

L’eau vive court encore où l’anémone blanche
Abandonna son cœur aux souffles du matin.
Un charme est demeuré sur la mousse et le thym ;
Le rossignol d’amour est toujours sur la branche.

Hélas ! La toute belle a perdu ses couleurs ;
Une ombre de langueur se mêle à sa tendresse,
Et le chant de l’oiseau n’a plus cette allégresse
Qui faisait tressaillir tout le pays des fleurs.