Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 1.djvu/898

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


Le Printemps, à sa cour, aimait à nous entendre ;
L’aube accueillait gaîment nos rires ingénus.
Nous avons tant chanté qu’on nous a méconnus,
Et beaucoup n’ont pas vu ce que j’avais de tendre.

Qu’importe ? En vérité, c’était là le bon temps,
Le temps de la bataille et le temps des verveines ;
Un sang vermeil et chaud nous courait dans les veines,
Un beau songe de gloire enflait les combattans.

Maintenant, tout est morne et tout se décolore ;
Les roses du parterre ont un parfum d’adieu,
Et dans ce triste ciel, qui fut un jour si bleu,
Pas un seul n’est resté des voiles de l’Aurore.

Résigne-toi, mon cœur. Il ne faut plus aimer.
Ne cherche pas à voir où le soleil se lève.
Regarde : celle-là qui fut ton dernier rêve,
Ses yeux délicieux sont prêts à se fermer.

La fleurette d’antan n’est plus à son corsage,
Le bois ne s’émeut plus de son rire argentin.
Va. Sans même un murmure accepte ton destin.
Lorsque la nuit est proche, il convient d’être sage.

Gabriel Vicaire.