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variant de un à vingt dollars, selon la profession qu’ils exerçaient. Cela n’a pas empêché ces derniers de monopoliser certains métiers et certains négoces : le commerce de détail, les opérations sur le tabac, le riz, le sucre, le café sont tout entiers entre leurs mains ; il n’y a guère qu’eux dans les corporations de débardeurs, de matelots, de domestiques. Les Américains ne demandent pas mieux que de continuer à protéger les indigènes contre cette envahissante rivalité, et l’on sait, par l’exemple de la Californie, qu’ils s’y entendent assez bien. Mais ils sont venus aux Philippines pour faire des allaires ; la main-d’œuvre locale est insuffisante pour leurs besoins ; ils seraient désolés que des mesures trop restrictives prises contre les Chinois entravassent l’essor économique dont ils escomptent les profits, et comme, en définitive, les Philippins sont des sujets, et non point des citoyens électeurs, la Commission se borne à recommander à l’attention des autorités fédérales la question de savoir « à quelles conditions, sur quels points de l’Archipel et pour quels objets les chinois seront autorisés à s’établir. »

Cette conclusion est vague, et pour cause. Il en est d’autres qui ne brillent pas par une précision beaucoup plus grande. Les enquêteurs reconnaissent, par exemple, que tout n’est pas bon dans les mœurs américaines et que tout n’y doit pas être, suivant un mot célèbre, article d’exportation : le spoils-system, le système des dépouilles ou du patronage, qui consiste, à chaque changement présidentiel, à donner tous les emplois fédéraux, grands ou petits, à des hommes du parti vainqueur, serait assurément « fatal » pour la bonne administration des îles ; il faudrait constituer un service civil, où les fonctionnaires demeureraient tant que leur conduite serait satisfaisante. Mais comment espérer une telle révolution dans les habitudes administratives de la libre Amérique, et pourquoi un agent de l’administration philippine serait-il plus respecté qu’un ambassadeur ou un consul quelconque ? La Commission admet aussi que l’entretien d’une grosse force militaire sera indispensable durant de longues années. Mais cette année sera-t-elle, comme l’ancien corps d’occupation espagnol, composée en majorité d’indigènes avec des cadres étrangers ? Continuera-t-elle, comme c’est le cas depuis deux ans, à être formée de volontaires américains, offrant une médiocre résistance au métier militaire et une grande instabilité d’effectifs ? Faudra-t-il se résigner à dresser et à entretenir des