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Il n’en va pas précisément de même aux Philippines, où l’on a pu voir déjà l’existence officielle du clergé catholique consacrée par d’énormes crédits budgétaires et par la participation des prêtres à tous les actes de la vie publique, municipale, judiciaire ou gouvernementale. Ce n’est pas tout : à côté du clergé séculier, les réguliers ont acquis une action prépondérante ; des moines occupent de nombreuses paroisses ; des congrégations monopolisent la direction de l’enseignement à tous ses degrés, et, comme partout où les congrégations sont puissantes, la question de la mainmorte est devenue, suraiguë. Les indigènes, qui sont croyans et fidèles à l’Eglise romaine, accusent les moines de s’être emparés d’énormes propriétés foncières avec la complicité des autorités espagnoles. Les moines étant pour la plupart d’origine européenne, tandis que le clergé séculier, au moins dans ses rangs inférieurs, se recrute principalement dans l’Archipel, le problème social qui se pose ici, comme il s’est posé à diverses époques dans presque tous les Liais catholiques, se complique d’une sorte particulière de nationalisme.

Les Philippins demandent l’expulsion des moines ; ils veulent qu’il soit pourvu au service paroissial par des séculiers, et que leurs compatriotes soient admis dans les fonctions épiscopales. « C’est évidemment une affaire où l’Etat n’a rien à voir, » répond la Commission, qui, tout entière imbue des traditions américaines, ne soupçonne même pas qu’il puisse y avoir à cet égard des négociations à poursuivre avec le Vatican. Et elle ajoute : « On peut dire que cette question et toutes les autres questions touchant à la politique ecclésiastique doivent être abandonnées aux autorités de l’Eglise. » Il existe pourtant des points de contact inévitables entre l’Etat et l’Eglise : l’état civil, par exemple, est aux Philippines exclusivement aux mains du clergé ; le clergé n’admet que les catholiques aux honneurs du mariage ; il faudra tout au moins, comme aux Etats-Unis, donner concurremment aux magistrats de tous ordres et aux ministres de toutes les confessions la faculté de le célébrer régulièrement. Mais la Commission ne semble même pas entrevoir que, ce faisant, on ajoutera un ferment d’hostilité de plus à ceux qui existent déjà dans l’Archipel.

Et que dire des solutions recommandées pour la mainmorte ? Outre son manque d’expérience en la matière, la Commission est ici arrêtée par l’article 8 du traité de Paris, qui garantit à