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LACHLAN

En tant que juge, Lachlan demandait aux prédicateurs une doctrine solide et éprouvée ; il tenait à ce que leur expérience chrétienne fût approfondie, mais l’érudition n’avait que peu de valeur à ses yeux et rien ne lui répugnait plus que les sermons faciles et superficiels. Certain dimanche qu’un jeune pasteur de Muirtown, qui s’était permis de frapper deux fois du pied pendant sa prière, prêcha avec une grande éloquence sur ce texte : « Et il n’y avait plus de mer, » qu’il répétait, ainsi qu’un refrain, à la fin de chacune de ses périodes, et termina sa prédication par une citation poétique tirée de La Fille de lord Ullin, l’atmosphère se chargea d’électricité tout autour de Lachlan, et personne n’osa lui adresser la parole au sortir du service divin. Jamais il ne nous fit part des pensées qu’il avait eues ce jour-là ; mais, le dimanche suivant, il nous expliqua de quelle manière on élisait les pasteurs à Auchindarroch, nous affirmant qu’il n’en était pas de meilleure :

— Six jeunes gens vinrent successivement prêcher dans notre église et ils ne se permirent pas, eux, de citer des chansons du haut de la chaire ! Oh ! non ! Chacun d’eux fit de son mieux et je dis à Angus Bain : « Ce sont tous d’honnêtes jeunes hommes et je n’ai relevé aucune erreur dans leur doctrine. » Angus était un des anciens de notre église : il comprit quelles étaient mes pensées et il me répondit : « Sans doute, ils savent tous bien la leçon qu’ils ont apprise, mais je n’ai vu trembler, ni se troubler aucun d’eux, Lachlan Campbell. Or, il en doit venir encore un après eux. Et le chiffre sept est un bon chiffre. »

Ce fut le dimanche suivant que le septième vint. Il était tout pâle, lorsqu’il lut dans l’Évangile le texte qu’il avait choisi : « Bénis soient ceux qui ont été appelés au souper de mariage de l’Agneau. » Et je me dis, à part moi, que le Seigneur avait imposé une trop lourde tâche à ce jeune homme et qu’il n’arriverait pas à l’accomplir. Dix minutes ne s’étaient pas écoulées qu’il cherchait déjà, sans les trouver, ses mots pour nous dire quelles idées son texte avait fait naître en lui. Et il dut redescendre de la chaire, sans pouvoir terminer, comme un homme qui s’est élevé vers le ciel et que les choses qu’il y a vues ont rendu muet.

« Le Seigneur a jugé bon de me remplir de confusion devant vous en ce jour, dit-il aux anciens : vous ne me reverrez jamais plus à Auchindarroch. Il m’a fait sentir que j’avais entre-