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des esprits. On y a vu des allusions anticléricales, qui ont été saisies par une partie du public et applaudies avec enthousiasme. Naturellement, il y a eu des manifestations en sens contraire, et bientôt elles ont été aussi violentes d’un côté que de l’autre. Les premiers jours, les admirateurs de M. Perez Galdos se sont contentés de le ramener chez lui en triomphe : mais ils ont trouvé bientôt ces démonstrations trop platoniques. La question des congrégations religieuses s’est trouvée posée à la fois des deux côtés des Pyrénées. Chez nous, elle n’a encore donné lieu jusqu’ici qu’à des discours. En Espagne des moines ont été poursuivis dans la rue ; des couvens ont été assiégés et mis à sac ; la force publique a dû intervenir et il y a eu des morts et des blessés. La voiture même du nonce du pape a été l’objet, en plein Madrid, d’injures et d’attaques. Un souffle révolutionnaire est passé sur le pays, et il s’en est fallu de peu que le péril ne devînt tout à fait sérieux.

Par bonheur, l’attitude de l’armée a été correcte. La fidélité des officiers coûte cher au gouvernement actuel. L’intérêt financier conseillerait de faire des économies considérables dans le budget de la Guerre, et l’intérêt militaire n’en souffrirait pas : mais le gouvernement est obligé de tenir compte aussi de l’intérêt politique. Malgré toutes les propositions faites à cette fin, aucune réduction sensible n’a été apportée dans les cadres des armées de terre et de mer, et le chapitre des soldes est resté invariablement à un étiage très élevé. Peut-être est-il impossible de faire autrement. En tout cas, l’armée est satisfaite du régime actuel, et, aussi longtemps qu’il en sera ainsi, le régime éprouvera des dangers plus apparens que réels : il en viendra facilement à bout. L’état de siège a été proclamé en Espagne. Il a été appliqué à Madrid par le général Weyler, qui s’est acquitté de sa tâche avec beaucoup de vigueur. Ses opinions libérales sont connues, mais il s’est montré militaire avant tout, et on a compris tout de suite qu’il ne laisserait pas porter atteinte à l’ordre matériel. Il a d’ailleurs trouvé le moyen d’exprimer son opinion politique, tout en faisant son devoir de soldat. Un acteur qui jouait dans la pièce de M. Perez Galdos étant mort, le général s’est inscrit à la maison mortuaire et a envoyé un de ses officiers le représenter aux obsèques. Il n’en a pas moins réprimé l’agitation qui avait été si vive pendant les journées précédentes, et l’impression produite par son attitude a été si efficace qu’on a pu, sinon lever l’état de siège à Madrid, au moins en adoucir la rigueur presque aussitôt après l’avoir établi. Il en a été de même en province. Aujourd’hui l’orage est dissipé, et l’Espagne, qui