Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 2.djvu/318

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

autres Puissances : aucune d’elles, placée dans notre situation, n’eût agi autrement que nous. Aussi nos relations extérieures, ménagées avec tant, de soin, n’en furent pas modifiées : notre coopération, un instant suspendue, demeurait acquise à l’ensemble de la question, et l’entente fut complètement rétablie dès que la Grèce, à qui nos sympathies persévérantes avaient adouci cette dernière épreuve, eut renoncé à la résistance temporaire qu’elle était hors d’état de prolonger.

Ce sacrifice accompli, et les décisions étant prises dans la forme exigée, le blocus fut levé après trois semaines, et ce peuple, si douloureusement frappé et frémissant encore, put reprendre sa vie accoutumée. Il se remit au travail avec courage, plein de confiance dans le souverain aimé et respecté qui avait souffert avec lui et qui demeurait sa consolation et son espoir. M. Tricoupis, que ses talens, son autorité personnelle, l’estime dont il était à bon droit entouré, désignaient au choix du prince et au bon accueil de ses concitoyens, accepta la présidence du Conseil et la lourde tâche de ranimer et de reconstituer la nation ébranlée. L’expérience du Roi, le bon esprit et l’activité du pays facilitèrent au gouvernement la mission dont il s’acquitta avec autant d’énergie laborieuse que de dignité. La Grèce sut dominer son émotion profonde avec cette résignation vaillante qui atteste la vitalité et l’avenir des peuples. Deux mois plus tard, quand je quittai la légation d’Athènes pour l’ambassade de Rome, j’avais pu constater les bons résultats de ces efforts : les relations internationales, le cours des affaires commerciales et politiques étaient rétablis ; l’ordre matériel n’avait été nulle part troublé : la Grèce s’appliquait à recouvrer peu à peu ses forces, compromises par l’épreuve.

Mais sous son calme apparent subsistait un état de malaise et d’anxiété : l’agrandissement de la Bulgarie et les rigueurs de l’Europe avaient laissé en elle des fermons inapaisés et des protestations intérieures. C’est ce que nous avions voulu éviter, en vue surtout de l’avenir : au fond, l’on n’a quelque chance de soumettre véritablement et d’une manière durable les peuples aux nécessités pénibles qu’en leur en adoucissant l’amertume par la modération des procédés : les solutions violentes, les remaniemens arbitraires de l’équilibre, ne valent jamais les ententes librement consenties, qui sauvegardent, tout au moins en partie, les intérêts et les amours-propres en cause. En nous inspirant