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lument réduits à une minorité dirigeante ; ils seraient noyés et annihilés. D’autant plus que les Chinois, qui tendent chaque jour à revendiquer en plus grand nombre notre protectorat, pullulent et dépasseront bientôt comme chiffre total les maîtres du sol. Ils détiennent tout le trafic et, dans l’avenir, ils absorberont inévitablement la race siamoise déjà métissée dans des proportions considérables. Les 30 usines à décortiquer le riz sont aux mains de propriétaires Chinois, dont quinze sont nos protégés.

Une dernière raison nous fait une nécessité d’implanter solidement la prépondérance de notre influence à Bangkok. La vallée du Ménam est un riche grenier d’abondance, indispensable à la prospérité et à la sécurité future de notre Empire colonial d’Indo-Chine. Une autre considération s’impose au point de vue des frontières : la vallée du Ménam et celle du Mékong se confondent en plusieurs endroits, surtout dans le sud, tandis qu’entre celles du Ménam et de la Salouen, il y a des contreforts formant une ligne ininterrompue. Il serait, pour toutes ces raisons, infiniment grave de voir l’Angleterre s’en rendre politiquement maîtresse et bientôt nous menacer dans nos propres possessions.

Il est donc urgent de revenir à l’exécution stricte par les Siamois de la convention annexée au traité du 3 octobre 1893, en poursuivant sans faiblesse l’exécution des clauses qui, dans la pensée des négociateurs français, devaient amener ce résultat. Le Mékong surtout est une région sur laquelle nous avons depuis 1867 jeté notre dévolu. Il ne saurait y avoir sur la rive droite d’autre influence que la nôtre. En conséquence, nous devons tenir la main à ce que les Siamois ne puissent plus reprendre dans cette région, comme dans les anciennes provinces cambodgiennes de Battambang et d’Angkor la suprématie qu’ils exerçaient autrefois. Une politique ferme et sans défaillance, qui n’a pas besoin d’être celle du « poing tendu, » est la seule qui convienne.


Isabelle Massieu.