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préciser. Encore ces projets, contenant trop de cléricalisme, furent-ils abandonnés et le rationalisme demeura dans son impuissance originelle.

Non seulement l’Université n’a pas réussi à protéger sa vieille morale, mais la nouvelle morale conquiert l’Université.

La politique radicale et socialiste était trop attentive pour ne pas s’aviser que la première puissance d’opinion dans la commune était désormais l’instituteur. Allégé de morale par l’enseignement sans Dieu, il était, par les impatiences de l’orgueil, de l’envie et de l’ambition, l’adepte né, comme, par son rôle d’éducateur, le propagandiste précieux de la révolution sociale. Entre ceux qui la préparent et les instituteurs, l’alliance a été de plus en plus visible à chaque renouvellement des corps politiques[1]. Une partie de ceux qui ont charge de former la jeunesse française sont les agens électoraux de la démagogie. Au Manuel général de l’Instruction primaire qui représente la morale de M. Buisson et déjà sent le modérantisme[2] s’ajoute et se substitue une autre revue pédagogique, le Volume, où l’armée, la patrie, la propriété sont considérées avec l’esprit nouveau. Sans doute, à côté des ambitieux et des anarchistes, il y a toujours des instituteurs en qui survivent estimables les vertus de l’ancienne profession. Mais cette race semble s’éteindre et l’autre grandir.

La même évolution modifie les élites intellectuelles qui enseignent dans les collèges et les Facultés. Là encore la rectitude de la pensée et la dignité du caractère honorent un grand nombre de maîtres. Mais, chez beaucoup aussi, l’incrédulité apprise de l’État donne ses fruits anarchistes. Le choix des représentais que les professeurs de l’enseignement secondaire nomment au Conseil supérieur de l’Instruction publique suffit à prouver le progrès de ! a nouvelle morale. Et elle a ses propagateurs les plus ardens parmi les jeunes maîtres de l’enseignement supérieur.

Le goût des hommes nouveaux pour les idées nouvelles, la satisfaction de porter plus loin que personne les hardiesses de la

  1. Voyez l’École d’aujourd’hui, par M. Georges Goyau, in-12, Perrin, 1899.
  2. Lire dans le Manuel général de l’Instruction primaire, à la date du 16 mars dernier, la lettre où un jeune agrégé d’histoire fait la leçon à l’ancien directeur de l’enseignement primaire et se plaint que la pensée laïque ne soit pas encore assez défendue contre le catholicisme.