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Quand Pombal, avec le tact et les procédés d’un boucher, tenta de galvaniser le Portugal et de l’arracher à sa décadence, parmi des mesures inutilement cruelles et stérilement révolutionnaires, il en prit quelques-unes excellentes pour soustraire son pays au servage économique qui l’étouffait. Son plan semble avoir été, à ce point de vue, inspiré par des idées colbertistes : rendre son pays capable de se suffire à lui-même et de ne pas dépendre de ses voisins, tel en apparaît le principe directeur. Il fonde des fabriques privilégiées de draps et de soieries, des raffineries, des verreries ; pour favoriser l’essor de l’industrie et de l’agriculture, il frappe d’une taxe de 4 et demi pour 100 les produits étrangers et défend d’exporter les matières premières. Aux colonies, il crée des compagnies privilégiées pour faire concurrence aux Anglais. En même temps il réorganise l’armée, la flotte, et entend faire respecter son pavillon. Vaine tentative : il n’y avait pas, dans le Portugal du XVIIIe siècle, l’étoffe d’une grande puissance. Il ne put secouer le joug, et, pendant les guerres de l’Empire, il fut, aux mains de l’Angleterre, une machine de guerre contre la France ; ses campagnes servirent de champ de bataille à Wellington et à Masséna, et ses colonies n’enrichirent que les négocians britanniques.

Il était fatal qu’à travers tout le XIXe siècle l’étroite solidarité économique qui assujettit fortement le Portugal à la Grande-Bretagne se resserrât encore davantage. La concentration des capitaux et des sources de richesse entre les mains de quelques grands États a, en effet, rendu les forts plus forts et plus faibles les faibles. Ceux qui possédaient la houille et le fer, — et avant tous l’Angleterre, — ceux qui ont pu s’outiller pour l’âpre lutte moderne ont été les dominateurs du siècle : le Portugal, sans mines, sans capitaux, sans crédit, réduit à sa seule agriculture, ne put suivre l’essor des puissances mieux partagées par la nature. De continuelles discordes civiles, des guerres intestines ruineuses, la malhonnêteté fréquente des équipes de politiciens qui se sont succédé au gouvernement, l’empêchèrent de suppléer par l’économie et le recueillement à tout ce que son sol ne lui fournissait pas. En ces dernières années, la crise vinicole, dont il a fini par triompher, a encore tari momentanément la principale de ses ressources agricoles. La dette publique, accrue sans cesse par les révolutions, accula plusieurs fois le royaume à des banqueroutes partielles ; elle acheva de le mettre à la merci