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officiers prisonniers de guerre au Cap (15 septembre 1890). Le traité fut enfin signé le 12 juin 1891. Le Mozambique était à jamais séparé de l’Angola ; le Manica, le Machona, le Nyassa étaient reconnus territoires anglais ; la Chartered touchait désormais au Tanganyika, M. Cecil Rhodes était vainqueur et la route du Cap au Caire ouverte ; la liberté de la navigation du Zambèze était garantie et le Portugal s’engageait à construire un chemin de fer dans la vallée du Pongoué, pour assurer aux nouveaux territoires britanniques une communication directe avec la mer.

Ainsi s’accomplit un pas décisif de l’expansion britannique dans l’Afrique du Sud. On put croire un moment que, sous la brutalité de l’affront, la fierté du peuple qui avait produit Vasco de Gama et le grand Albuquerque allait se réveiller ; et de fait, dans la masse de la nation, l’outrage, profondément ressenti, provoqua un sursaut d’indignation. Depuis trop longtemps le peuple, portugais souffrait de la demi-servitude où le tenait la Grande-Bretagne ; il sentait confusément qu’une telle alliance l’étouffait, l’empochait de développer ses énergies latentes, de donner un nouvel essor à son industrie. Dans un de ces clans de patriotisme qui viennent parfois secouer les peuples et promouvoir chez eux une bienfaisante résurrection nationale, on tenta d’organiser une sorte de « boycottage » des marchandises anglaises ; on s’adressa aux maisons françaises et on s’efforça d’orienter vers de nouvelles voies la vie économique du Portugal. Le gouvernement suivit le beau mouvement où l’engageait la nation ; déjà le ministère avait répondu en termes très dignes à l’ultimatum anglais ; le roi don Carlos lui-même renvoya à la reine Victoria les insignes des ordres du Bain et de la Jarretière ; il sembla qu’une politique nouvelle allait entraîner le Portugal vers des destins plus heureux. Attitude réservée et digne vis-à-vis de l’Angleterre, occupation effective et mise en valeur du domaine colonial, malgré tout encore enviable, qui lui restait : telles étaient les maximes qui semblaient devoir inspirer un gouvernement vraiment national. Et, de fait, depuis dix ans, la colonisation portugaise est entrée dans une phase nouvelle ; sans suffire encore à sa vaste tâche, elle a réalisé de très grands progrès et fait des efforts souvent heureux pour réussir. C’est ce que nous voudrions montrer à propos du Mozambique, qui, s’il n’est pas la plus riche des possessions portugaises, est celle qui, par sa