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pour une part chaque jour grandissante, à fournir au Portugal les denrées coloniales qu’il consomme ; et quoiqu’un grand nombre des entreprises nouvelles qui paraissent devoir réussir dans ce légendaire empire du Monomotapa soient créées par des étrangers, ou tout au moins soutenues par des capitaux étrangers, quelques-uns de ces riches « africains, » qui commencent à prendre à Lisbonne la place qu’occupaient autrefois les « brésiliens, » y trouveront une source nouvelle de prospérité, et l’Etat portugais lui-même peut espérer d’être, dans un prochain avenir, récompensé de ses efforts et rémunéré de ses sacrifices.


IV

Ce sont précisément ces promesses d’un brillant essor économique et les avantages de sa position géographique qui autorisent à concevoir des inquiétudes sur le sort du Mozambique. Restera-t-il portugais ou deviendra-t-il anglais ? Il est légitime de se le demander ; et si les événemens de l’avenir restent, dans un tel problème, une donnée inconnue, du moins l’état actuel des choses comporte-t-il déjà, à lui seul, une solution.

Après la crise que termina le traité de 1891, une réaction patriotique violente s’était, nous l’avons vu, manifestée contre l’Angleterre et le gouvernement lui-même avait obéi à l’impulsion générale. Une ardeur nouvelle pour la colonisation, un certain élan donné à l’industrie et au commerce national, une part plus grande faite dans les importations aux États autres que l’Angleterre furent, dans une certaine mesure, les résultats de cette poussée populaire ; mais la vague de fond qui avait un moment secoué l’âme portugaise alla vite en s’atténuant et en perdant de son premier élan. La force des habitudes, les nécessités économiques, plus puissantes que les antipathies nationales, ramenèrent le Portugal à ses accointances commerciales et politiques avec l’Angleterre. La France ne pouvait ni offrir au Portugal un compte pour ses vins, ni lui fournir à aussi bon marché les pacotilles qu’il exporte dans ses colonies. Une à une, les mailles, un instant disjointes, de la chaîne qui rive Lisbonne à Londres, se resserrèrent et se rejoignirent. Les événemens de 1890-1891 avaient, d’autre part, appris au petit royaume ibérique qu’il ne pouvait, dans l’Europe divisée d’aujourd’hui, compter que sur