Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 2.djvu/843

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

secourir. L’incident eut des suites, provoqua des négociations avec les chefs du voisinage, si bien que le pavillon français ne cessa plus d’apparaître de temps à autre sur la côte d’Obok et qu’en 1883, quand l’expédition du Tonkin nous fit enfin comprendre la nécessité d’établir des stations françaises sur la route de l’Extrême-Orient, Obok fut définitivement occupé ; un dépôt de charbon y fut installé, un gouverneur y résida. L’annexion de Sagallo et de Tadjoura en 1884, des îles Moscha en 1887, et enfin, en 1888, de Djibouti, qui, sur la côte sud fait pendant à Obok, complétèrent la prise de possession de tout le pourtour du golfe de Tadjoura et des côtes qui forment aujourd’hui le Protectorat français de la côte des Somalis.

Un dépôt de charbon, un port de relâche sur la route d’Extrême-Orient, c’est tout l’avenir que l’on prédit d’abord à l’établissement d’Obok. Un gouverneur et quelques blancs qui s’astreignaient, six mois par an, à braver les ardeurs d’un soleil brûlant « figuraient » la colonie. Mais bientôt, toute la valeur de notre acquisition se révéla : les plus graves inconvéniens disparurent quand on s’avisa d’installer le chef-lieu de notre nouvelle possession non plus à Obok, sur la côte nord du golfe, desséchée par le Khamsin, mais sur la côte sud, au fond de l’excellente rade de Djibouti, dans une petite ville facile à pourvoir d’une eau abondante et très bien placée pour attirer vers son port les caravanes du Harrar. Puis, à mesure que se découvrit le jeu de la politique « anglaise et italienne dans la Mer-Rouge et sur le Nil, on aperçut mieux tout l’avantage de garder une porte ouverte sur les plateaux éthiopiens et un poste d’observation sur le golfe d’Aden. Le patriotisme éclairé de plusieurs hommes d’État français favorisait les progrès de la colonie naissante et surveillait avec une curiosité anxieuse la genèse des événemens qui allaient bientôt retentir avec tant d’éclat jusqu’en Europe ; parmi ces clairvoyans, il est juste de citer, pour ne parler que des morts, le président Carnot et le ministre de la Marine Félix Faure. Cependant l’essor de la colonie ne sembla pas tout d’abord répondre à de si hauts patronages : un budget d’un demi-million de francs n’autorisait guère les vastes entreprises ; mais cette inertie apparente trouvait peut-être son excuse dans une nécessité politique. Au moment où les Italiens, d’accord avec les Anglais, menaçaient Ménélik et partageaient sur le papier ses Etats, il était convenable et